Dans son discours à Sidi Bouzid, le président de la République Kaïs Saïed a annoncé lundi soir comme si cela allait de soi qu’il compte « mettre en place » une nouvelle loi électorale, en même temps qu’il envisage de charger un chef du gouvernement de ces fonctions et de promulguer des « dispositions transitoires », sous forme estiment les spécialistes d’organisation provisoire des pouvoirs publics. Ce qui équivaut à la suspension de la Constitution actuellement en vigueur ou tout du moins de mettre ses dispositions entre parenthèses en attendant son amendement.

Le chef de l’Etat ne dit rien sur la manière dont il compte mettre en place la loi électorale. Dans l’état normal des choses le président de la République dispose du droit de proposer des « projets de loi » qui ont d’ailleurs la priorité sur ceux du gouvernement et sur les « propositions de loi » émanant des membres de l’Assemblée des représentants du peuple. Le projet de loi est discuté en conseil de ministres auquel le chef de l’Etat assiste et qu’il préside de droit. Il est ensuite transmis à la présidence de l’ARP. Le Parlement étant suspendu ce processus ne peut y être conduit.

Le président de la République peut-il recourir aux décrets lois pour faire adopter un nouveau régime électoral ? La réponse est non. Puisque, selon l’article 70 de la Constitution, « en cas de dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple, le Président de la République peut prendre, en accord avec le Chef du Gouvernement, des décrets lois qui seront soumis à l’approbation de l’Assemblée au cours de la session ordinaire suivante. Néanmoins le même article dispose dans son dernier alinéa que : Le régime électoral est excepté du domaine des décrets lois.

A moins que ce recours ne soit rendu possible en vertu des dispositions transitoires que compte promulguer Kaïs Saïed. Auquel cas ce dernier se serait arrogé le droit de suspendre l’application de la Constitution, sur le respect de laquelle il a prêté serment.

Selon la même logique, il pourrait dissoudre l’ARP et convoquer des élections législatives anticipées, organisées selon la nouvelle loi électorale concoctée par ses soins.

Auquel cas Kaïs Saïed aurait réuni entre les mains les pouvoirs exécutif et législatif mais également constituant. Les pleins pouvoirs donc.

Ce qui est exceptionnel. Mais les mesures exceptionnelles décidées le 25 juillet prévoient-elles pour autant des pouvoirs aussi étendus.

RBR