Par : Kamel Zaiem

Le pauvre Radhwan Masmoudi ne doit pas se sentir rassuré. Désormais, il va falloir composer avec une sérieuse rivalité en matière de traitrise. Et comme on n’est jamais mieux trahi que par les siens, ce sont un coéquipier d’Ennahdha, Fathi Ayadi et un autre d’un parti ami, Qalb Tounès, en l’occurrence Oussama Khlifi, qui viennent de lancer les hostilités et de se proclamer des traitres professionnels qui ne manquent pas d’atouts.

Un seul souci : contrer Saïed

Et si Masmoudi a choisi de n’évoluer qu’aux Etats-Unis, ses deux rivaux ont choisi de le faire en Europe et c’est à Vienne qu’ils viennent d’effectuer leur baptême du feu.

C’est que le parti islamiste, de plus en plus agité et désemparé depuis le 25 juillet 2021, est en train de mobiliser toutes ses « compétences » pour tenter d’inverser la tendance et stopper l’offensive que vient de lancer un certain Kaïs Saïed.

Et si Masmoudi a fait le boulot chez les Américains, amenant un groupe de sénateurs à débarquer d’urgence en Tunisie pour voir ce qui s’y passe et pour recommander au président de la République de revoir ses positions, ses options et surtout sa décision de geler l’activité du Parlement et de s’octroyer, même provisoirement, les rênes du pouvoir à tous les niveaux, la moisson a été très décevante pour les nahdhaouis qui espéraient beaucoup plus de la rencontre entre ces sénateurs et Saïed qui a su les contrer et même les contraindre à changer de cap puisqu’ils ont affirmé, à la fin de leur mission, qu’ils ne soutiennent aucun parti politique en Tunisie et qu’ils espèrent juste le retour de la démocratie et l’adaptation des futures options choisies par le président tunisien à la volonté du peuple.

Retour d’activité d’UN parlement

C’était la douche écossaise pour Rached Ghannouchi et ses poulains et ce n’était pas la dernière. Le récent communiqué des pays de la G7 exprimé par leurs ambassadeurs en Tunisie n’a pas fait mieux pour Ennahdha puisqu’il évoque la nécessité de retour d’activité d’un parlement, ce qui veut dire qu’ils ne tiennent pas particulièrement à celui qui vient d’être gelé. Ce communiqué n’a également exprimé aucun soutien particulier aux islamistes qui cherchaient à exercer une forte pression sur Saïed qui demeure, en fin de compte, l’homme de la situation et qui prendra en considération, pas plus, les suggestions américaines.

Or, les islamistes n’ont pas encore jeté leurs armes et ils viennent de changer de direction dans leur guerre contre Kaïs Saïed. Rached Ghannouchi, dans un ultime sursaut, a profité de la tenue, à Vienne, du congrès des présidents des parlements pour lancer sa nouvelle offensive. Et comme il ne peut pas quitter le pays, il a chargé deux de ses fidèles soldats pour le représenter et surtout pour informer les parlementaires européens de tout ce qui se passe actuellement en Tunisie, selon la version d’Ennahdha, bien entendu.

Khlifi se déchaîne !

Les deux larrons, choisis selon les circonstances car ils se trouvent déjà sur le sol européen, ont bien été présents à ce rendez-vous autrichien et c’est Oussama Khlifi qui s’est chargé de la mission. Dans son discours, au nom du président gelé du parlement tunisien, le numéro deux du parti Qalb Tounès qui a menti en déclarant être en contact avec Nabil Karoui en Tunisie alors que ce dernier se trouvait caché dans un appartement à Tbessa en Algérie, a évoqué une violation du principe de la démocratie parlementaire, affirmant que la Tunisie vit au rythme d’une déviation politique et constitutionnelle dangereuse qui a entravé le bon déroulement du travail du parlement. Sue sa lancée de parfait traitre attitré, il a demandé aux parlements européens de mettre le paquet pour imposer une intervention en Tunisie, là où les députés sont confrontés au gel de leurs activités, à l’interdiction de voyage, aux assignations à résidence et même aux procès devant les tribunaux militaires.

Eh oui, Khlifi n’a rien laissé au hasard pour décrire la « catastrophe » du 25 juillet 2021 qui nécessite une intervention européenne dans son pays, là où il a pleinement profité de son statut de député pour se mêler à ses compères corrompus dans un exercice qu’il a vite fait de maîtriser, d’autant plus qu’il a longuement côtoyé un certain… Nabil Karoui.

Traiter avec le diable

C’est dire que les deux envoyés très spéciaux du cheikh ont parfaitement accompli leur mission en attaquant leur pays et leur président de la République et surtout en sollicitant l’aide de forces étrangères pour reprendre le pouvoir.

Dès lors, une prochaine visite d’une délégation de parlementaires européens en Tunisie ne va pas nous surprendre. Ennahdha est prête à traiter avec le diable pour rester en vie, demeurer au pouvoir et éviter de rendre des comptes lorsque des dossiers compromettants et très brûlants vont être ouverts.

La fuite en avant des islamistes continue, mais l’impasse n’est plus lointaine.

K.Z.