A quelques jours de la rentrée scolaire, qui ne sera, certainement pas, très différente des deux précédentes en raison de la pandémie du Coronavirus, la même interrogation revient comme un leitmotiv : Que reste-t-il de l’école publique ? Aujourd’hui, ministère et syndicats de l’enseignement s’accordent sur le constat. Ils ont à cœur de sauver l’école et de réformer le système éducatif. Mais ils ne parlent pas le même langage, d’où ce blocage fortement préjudiciable. Entre-temps, l’école s’enfonce dans la crise et n’accueille, presque plus, que les enfants pauvres. Elle ne fonctionne plus comme ascenseur social. Et c’est toute la société qui s’en ressent.
Les maux se sont accentués
On le sait déjà, les maux de l’école ne datent pas d’aujourd’hui, même s’ils se sont accentués au cours des dernières années. Ils sont connus de tous les intervenants, parents, élèves, enseignants, directeurs des établissements scolaires, syndicats et bien entendu ministère de l’éducation qui s’en plaignent tout le temps. On dirait qu’un plan sournois a été établi pour détruite l’école publique et abrutir nos enfants.
Pourtant, trois réformes ont été initiées depuis l’indépendance (1958, 1991 et 2002) et qui ont donné des résultats parfois mitigés. Inutile de rappeler les remèdes thérapeutiques qui ont, jusque-là, été appliqués, mais qui n’ont fait qu’empirer la situation et les improvisations qui n’ont fait que pourrir le climat autour de l’école. L’école tunisienne est devenue comme un laboratoire et les élèves des cobayes sur qui on a réalisé plusieurs expériences sans succès. On ne change pas l’école à la pièce pour « satisfaire les geignards du moment », car cela pourrait la faire dévier de sa mission principale « d’instruire, de socialiser et de qualifier »
Un système inégalitaire
Notre système éducatif s’est avéré, au fil des ans, un système inégalitaire. Deux données relevées dans le document du «plan stratégique 2016-2020» élaboré par le ministère de l’éducation, montrent que les inégalités se creusent davantage entre les régions. Au niveau de l’enseignement préscolaire, où le taux de couverture moyen est de 45.6% seulement, c’est le grand écart entre les gouvernorats dits nantis et les autres. A
Tunis 2, il est de 96.8%, alors qu’à Kasserine, il est de 44.2% seulement. Il en est de même du rendement interne dans l’enseignement primaire où le taux moyen de passage de classe est de 91.5% et c’est encore Tunis 2 qui se trouve en tête avec 96.7% contre 85.3% pour Kasserine qui clôt le classement derrière Kairouan avec 85.9% et Tataouine avec 87.7%. Mais c’est au niveau des résultats au baccalauréat que ces inégalités deviennent plus criardes. 14 régions se situent au-dessous de la moyenne nationale qui est de 57.5%. Entre Sfax 2 et Sfax 1 avec respectivement 73.7% et 72% en 2015 et Jendouba 43.1% et Gafsa 43.8 %, il n’y a pas photo.
Comme on le constate, les chiffres sont têtus et parlent d’eux-mêmes. Les disparités sont perceptibles et « prennent leur source dans les cycles inférieurs, à savoir l’école de base et le secondaire, et se révèlent clairement au niveau des résultats du baccalauréat ». La scolarisation massive n’a pas suffi à réduire les inégalités avec les régions qui sont, en fait, mal nanties en matière d’infrastructures et de moyens de transport, surtout quand on sait que la moitié des écoles primaires se trouvent dans des zones rurales et que la plupart d’entre elles sont dépourvues d’eau potable. On a vu des élèves parcourir des kilomètres pour parvenir à leur école, bravant tous les dangers mais avec l’espoir de réussir dans leurs études. Seulement 7 gouvernorats sur les 24 ont un taux d’adduction de 100%, alors que d’autres comme Kasserine avec 61.1% et Kairouan avec 62.9% doivent attendre encore des années pour être complètement desservis.
Véritable mammouth
Quand on sait que plus de 500 établissements scolaires ont plus de cinquante ans et doivent, par conséquent, être réhabilités d’urgence parce que menaçant ruine et que des internats sont en piteux état, on comprend l’énormité de la tâche qui attend les responsables de l’éducation. Véritable mammouth, l’éducation a de tout temps bénéficié d’un budget important mais dont 97% vont aux salaires. Que reste-t-il pour la maintenance et les nouvelles constructions ?
A lui seul, le ministère de tutelle, malgré un important budget, n’arrivera jamais à réaliser tous les travaux de rénovation, réparation, entretien et maintenance. Sans l’engagement et la participation de tous les intervenants dans la vie scolaire, directeurs d’établissements, enseignants, parents d’élèves, société civile, hommes d’affaires…