Par : Kamel Zaiem

Il a fallu que l’une des responsables du ministère de la Santé et membre de la Commission scientifique vide son sac pour que nos gouvernants quittent leur léthargie et se mettent à émettre leurs thèses qui ne peuvent plus, malheureusement, convaincre l’opinion publique.

C’est Nissaf Ben Alaya, la porte-parole du ministère de la Santé qui a eu le courage et la décence de tout avouer pour mettre le bon peuple au parfum de ce qui se passe réellement dans ce combat que mène le pays contre le redoutable Covid-19 et ses différents variants.

En toute logique

 Et cette Dame n’y est pas allée par quatre chemins : « Le système sanitaire s’est effondré (…) Nous sommes tous responsables face à cette catastrophe. Nous traversons une phase très critique. C’est pourquoi nous devons mettre la main dans la main pour acquérir les vaccins car ils restent le seul moyen pour endiguer l’épidémie et réitérer nos appels  à destination des citoyens, responsables et politiciens, de respecter les protocoles mis en place pour limiter la propagation du virus ». 

De telles vérités ne sont pas bonnes à dire ou à dévoiler dans notre paysage politique avec un gouvernement qui poursuit sa fuite en avant, ne sachant plus quoi faire face à la pandémie et s’avérant incapable d’imposer la moindre mesure qui « ose » déranger ceux qui tiennent le pouvoir et dirigent tout à leur guise, ni mettre la pression sur les citoyens pour exiger une plus grande implication dans cette bataille.

La réplique de plus

Et comme il fallait s’y attendre, le ministre de la Santé n’a pas mis trop de temps, lui qui bouge au ralenti depuis le déclenchement de cette nouvelle vague, pour déplorer les propos de sa porte-parole : « Notre pays mène une véritable guerre contre l’épidémie, qui nous oblige tous à resserrer les rangs, à privilégier l’intérêt national, et à être solidaire de nos équipes de santé. L’expérience accumulée par nos équipes de santé, la mise à disposition de capacités de réanimation et d’oxygène, et les hôpitaux de campagne ciblés ont permis au système de santé de faire face aux défis épidémiologiques et de continuer à soigner les patients malgré les insuffisances accumulées depuis des décennies. On ne peut jamais dire que le système de santé s’est effondré car il restera inébranlable face à toutes les difficultés et urgences grâce aux efforts, aux compétences de tous les professionnels de la santé, ainsi qu’à la solidarité de la société civile et à la coopération conjointe avec les pays amis.

Comme s’il ne savait rien !

Eh oui, c’est comme si le ministre n’est pas au courant des effrayants bulletins quotidiens de son département qui citent des chiffres qui donnent froid dans le dos et qui prouvent que la pandémie n’est plus sous contrôle puisque la Tunisie compte, aujourd’hui, parmi les pays les plus vulnérables au monde face au Covid-19 puisqu’elle fait face, actuellement, à une véritable hécatombe. Le dernier bilan du ministère de la Santé fait état de près de 200 décès en un seul jour. Peut-on attendre pire pour se convaincre de la gravité de la situation ?

Et c’est sans parler des centres de vaccination qui sont en train de fermer les portes en raison du manque de vaccins et les citoyens qui ont des rendez-vous fixés ont été avertis que leur vaccination a été, tout simplement, reportée en attendant l’arrivée des vaccins.

Le ministre a voulu détourner les propos de Mme Ben Alaya car celle-ci n’a jamais fait douter de la compétence du corps médical et paramédical engagé avec bravoure, courage et détermination dans ce face à face avec le redoutable virus. Elle a juste parlé des moyens mis à leur dispositions et qui ne permettent plus de résister et de gagner ce dur combat, et nous ne pouvons que la soutenir dans tout ce qu’elle s’est permise de dévoiler car le ministre et son patron de La Kasbah avaient besoin de ce coup de fouet pour agir et surtout pour cesser leurs discours qui usent de la langue de bois qui n’a plus de place dans le contexte actuel.

L’UGTT est-elle intouchable ?

Ce ministre déchaîné contre sa porte-parole, n’a pas pipé mot pour condamner les agissements de ceux qui se comportent de manière irresponsable alors que le pays est emporté par ce tsunami de décès quotidiens. Il n’a pas jamais fait entendre sa voix pour condamner l’organisation des manifestations comme celle organisée par Ennahdha qui a vu des dizaines de milliers défiler ensemble, en rangs serrée, en plein centre-ville. De même, il n’a pas osé dire non à l’UGTT qui vient d’organiser son congrès en pleine pandémie, dans une ville largement atteinte par le Covid-19 et en présence de quelques participants dont les tests se sont avérés positifs.

Certes, un tel écart de la part de ceux qui se croient au-dessus de la loi dépasse de loin les prérogatives d’un ministre qui tient place avec difficulté, mais il aurait pu faire preuve de plus d’honnêteté envers ceux qui dépassent les mesures annoncées et qui se prennent pour des intouchables. Il s’est éclaté pour critiquer une éminente spécialiste qui s’y connaît parfaitement, mais il ne pouvait pas le faire face à ceux qui menacent réellement la santé des citoyens.

 L’UGTT est, jusque-là, considérée comme une des institutions les plus honorables et les plus soucieuses du bien-être du pays, de par son statut et son historique, mais elle se doit d’être un modèle d’exemplarité, même face à un Etat qui n’existe pratiquement plus et d’un chef de gouvernement qui veut encore survivre grâce au soutien de la Centrale syndicale. Dommage…

K.Z.

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