Par : Kamel Zaiem

Cette fois-ci, on ne peut pas nous empêcher de dire bravo, un grand bravo, pour Faouzi Mehdi, le ministre de la Santé. Il fallait perdre la raison pour gérer de la sorte la pandémie qui est en train de tout emporter sur son chemin, et le ministre l’a fait. Encore une fois bravo…

Avant de nous étaler sue le drame que certaines régions sont en train de vivre à Kairouan, Béjà et Kasserine en particulier, nous ne pouvons omettre ce qui s’est passé le long de cette semaine pour satisfaire les supporters de l’Espérance de Tunis qui tenaient à être présents au Stade de Radès pour encourager leur équipe qui y disputait le match aller de la demi-finale de la Ligue des champions d’Afrique contre les Egyptiens d’Al Ahly.

Le match était programmé à huis clos, comme c’est le cas pour toutes les manifestations sportives depuis plus d’une année. Or, on ne sait quelle mouche a piqué le ministre de la Santé pour se montrer solidaire de la suggestion faite par le comité directeur de l’Espérance pour permettre à cinq mille supporters d’être de la fête à Radès, sous prétexte que des mesures seront prises pour respecter le protocole sanitaire fixé pour un tel événement, comme si on avait l’habitude et les moyens pour le faire et comme si le contexte et les chiffres autorisent de prendre un tel risque.

Une Commission pour… la forme

Ce qui est encore plus frappant, c’est de voir la commission scientifique de lutte contre le Covid-19 réagir énergiquement pour dévoiler ce qui s’est passé et ce qui a été décidé sans la consulter ; Eh oui, la décision de laisser cinq mille supporters se côtoyer dans les gradins du stade a été prise sans le consentement de cette Commission, mise en place pour gérer la pandémie et pour décider de tout ce qui doit être entrepris concernant les mesures de sécurité, la libre circulation et les rassemblements.

Il s’agit, là, d’un dangereux et amer constat. Comment peut-on se permettre de satisfaire les doléances de quelques supporteurs, chauvins et manquant de sagesse et du sens de responsabilité, et ignorer la présence de cette Commission médicale et scientifique ?

A Radès, le scénario redouté a finalement eu lieu avec des affrontements entre policiers et supporters déchainés et le gaz lacrymogène a fait son apparition pour mieux orner ce désolant décor.

Une situation plus que catastrophique

D’ailleurs, Sami Mourali, le membre de la commission nationale scientifique anti-Covid, a révélé la veille du match que ladite commission n’a pas été consultée avant de prendre la décision autorisant la présence de cinq mille spectateurs. “C’est avec étonnement que notre commission a appris cette décision prise à un moment de grand danger sanitaire. Je crains fort que cette décision produise de graves effets sur la situation sanitaire, et accélère la propagation du coronavirus. Car il est évident qu’il sera difficile de faire respecter le protocole sanitaire à tous les spectateurs. En tout cas, j’appelle les spectateurs à la plus grande vigilance au stade et en rentrant chez eux car ils peuvent devenir des facteurs de transmission au sein de leurs familles.”

Ce même ministre, vient de nous apprendre que la Tunisie est « actuellement prête à affronter une quatrième vague de coronavirus ». Alors que la plupart des régions n’arrêtent pas de compter leurs morts, qui se comptent quotidiennement par dizaines pour ne pas dire plus, Faouzi Mehdi ne semble pas en être conscient. Que fait son département face à la troisième vague qui se poursuit encore et qui s’avère plus cruelle que les deux précédentes ? Qu’a-t-on fait pour aider certaines régions hautement sinistrées, Kairouan et Béja en premier, alors que les hôpitaux régionaux crient leur incapacité à soigner et prendre en charge plus de personnes contaminées, au moment où même les morgues affichent complet.

Des hésitations et de faux calculs

Cette situation pour le moins catastrophique, à Kairouan en particulier, sera observée dans d’autres régions, d’après Jalila Ben Khalil, la porte-parole de la commission scientifique qui attribue la mauvaise situation épidémiologique dans un certain nombre de régions, notamment le gouvernorat de Kairouan, au manque d’engagement à mettre en œuvre les recommandations et les protocoles sanitaires. Et si c’est le cas, c’est le ministère de la Santé qui en est essentiellement responsable. Or, peut-on s’attendre à mieux de la part d’un ministre qui fait peu de cas face à la catastrophe actuelle pour s’amuser à afficher un curieux optimisme pour la prochaine vague.

Et tant qu’on parle de Kairouan, le ministère n’a même pas eu le courage pour annoncer des mesures strictes nécessaires et vitales pour arrêter l’hémorragie et pour mettre fin au drame. On s’attendait à l’annonce d’un confinement total de ces régions très touchées et la réponse fut plus que frustrante avec des conditions qui ne font qu’aggraver la situation.

C’est dire que dans cette bataille contre le Covid-19 en Tunisie, on a tout vu sauf un Etat digne de ce nom qui sait assumer sa responsabilité et qui sait rassurer au lieu de faire preuve de complaisance, de calculs et de mensonges. Dommage…

K.Z.