Les médecins de la santé publique persistent et signent. Ils ont décidé de faire la grève alors que le pays se bat avec des moyens modestes contre la pandémie. Ceux qui s’attendaient à une suspension de dernière minute de cette grève ont déchanté et les blouses blanches sont allées au bout de leurs intentions.

Il s’agit d’une grève de trois jours à commencer du 3 mai 2021 et les services de santé en souffrent déjà puisque la grève a concerné toutes les spécialités et même l’activité des médecins aux centres de vaccination anti-Covid, ce qui ne manque pas de susciter beaucoup d’interrogations. Il est vrai que les revendications des médecins sont légitimes et doivent être traités avec plus de sérieux de la part du gouvernement, mais cette fois-ci, on l’impression que l’armée blanche a franchi plus d’une ligne rouge.

Peut-on dire qu’il s’agit d’une grève contraire à la déontologie médicale en ces temps difficiles de guerre contre le Covid-19 ?

Le fait de ne pas exclure de cette grève les médecins opérant dans les centres de vaccination peut-il être assimilé à une atteinte à la santé du citoyen car chaque jour perdu dans la campagne de vaccination risque de coûter très cher et de causer une catastrophe ?

Urgence ignorée

Pour la majorité des Tunisiens, une telle initiative, décidée dans un contexte sanitaire aussi difficile et crucial, ne peut qu’être immorale et indigne des titres de noblesse de ce métier.

Car, pour le corps médical, une grève doit nécessairement être accompagnée de restrictions pour assurer les services essentiels dont les urgences. Et en ces temps de pandémie, il y a urgence dans presque tous les services et toutes les spécialités.

Ainsi donc, les médecins, pharmaciens et médecins dentistes de la santé publique se permettent de déclencher ouvertement des grèves alors que le pays a entrepris une campagne nationale de vaccination, dont la conduite avec succès et mobilisation de toutes les parties prenantes, y compris notamment les médecins, est une condition majeure de réussite en vue de sauver la population tunisienne d’un péril imminent menaçant la vie et la sécurité des personnes!

Nous mesurons, dans ces conditions, à quel point la grève déclenchée par les médecins en Tunisie constitue une hérésie en allant au-delà des limites fixées par les lois et pratiques des systèmes juridiques qui prêtent à comparaison et par les instruments internationaux de référence.

Comment résoudre toutes ces difficultés qui risquent d’ébranler la confiance des citoyens dans l’un des métiers les plus respectés par la population tout entière?

Une confiance écornée

Nous espérons voir le gouvernement et le ministère de tutelle assumer leurs responsabilités et reprendre au plus vite et de manière sérieuse les négociations avec le syndicat des médecins, pharmaciens et dentistes de la santé publique. De même, les grévistes se doivent de respecter l’importance vitale de ne pas laisser tomber une population plus que malade, moralement et physiquement. Jusqu’à cette grève, les citoyens, malgré quelques dérapages, ne cessent pas de louer le dévouement et la générosité d’un corps médical déterminé à lutter âprement contre la pandémie malgré des moyens très limités et des risques de contamination puisque des centaines de porteurs de blouses blanches ont déjà péri. Aux membres de ce corps médical de préserver cette confiance et cette considération et de ne pas mêler les revendications syndicales aux tentatives extrémistes de règlements de comptes et de « revanche » que seul le citoyen en paierait les conséquences.

Verra-t-on les deux parties opposées faire preuve de plus de sagesse, de sens du sacrifice, et surtout de volonté à aller de l’avant pour sauver le pays de cette pandémie avant qu’il ne soit trop tard ? Nous l’espérons bien, mais à voir les réactions des uns et des autres, les menaces cyniques des grévistes et surtout la froideur et l’indifférence d’un ministère curieusement dépassé par les événements, l’optimisme demeure très réservé dans l’attente d’une prise de conscience actuellement inscrite aux abonnés absents dans ce bras de fer.

De toute façon, avec ces trois jours ratés dans une campagne de vaccination qui battait déjà de l’aile, vont avoir de graves répercussions à tous les niveaux.

Et comme il s’agit, à présent, de se rattraper et de sauver la barque avant de couler, nous espérons toujours voir les négociations reprendre dans une meilleure ambiance et avec un esprit citoyen et patriotique plus prononcé.

Le Covid-19 nous attend au tournant alors que la confiance entre les citoyens et le corps médical en a pris un sérieux coup. Place à la raison et à la sagesse…

K.Z