Les dictatures de tout poil vous le diront : C’est très dangereux de lire un livre ….. C’est comme jouer avec des allumettes. Ne nous attardons pas sur les raisons de cette opinion puisque il est de notoriété publique que les livres introduisent les lumières là ou l’obscurantisme doit s’épanouir, comme ils contribuent à aiguiser les esprits critiques ,ce qui n’arrange ni les gouvernants ni les « Papes » de la société de consommation. Sincèrement on s’est mis à égrener quelques réflexions çà et là lorsque le sondage Emrhod a révélé que seuls 18% des tunisiens ont lu un livre depuis le début de 2021 avec quatre minutes
consacrées à la lecture contre deux heures et demi passées devant Facebook .D’ailleurs est-ce une révélation ? … Déjà la direction de la lecture publique du ministère des affaires culturelles en 2019 tirait la sonnette d’alarme avec son directeur Elyes Rebhi qui déclarait que « le Tunisien ne lit que 0,58 livre par an alors qu’un Européen lit en moyenne près de 35 ». Première raison mise à l’index c’est bien entendu l’avènement du numérique et du Smartphone, la plus grande séduction du siècle ! Oui ! La lecture nécessite un effort solitaire et de la patience pour procurer de l’émotion or de nos jours l’émotion est au bout d’un clic …. La paresse est humaine …. D’autant plus que l’émotion passe aujourd’hui par le buzz et l’information instantanée à tel point que les jeunes à force d’être informés ont cru savoir qu’ils sont devenus cultivés ….. A titre d’exemple ,nos jeunes sont d’excellents fabricants d’images lorsqu’ils réalisent des clips ou des spots publicitaires , mais quand ils passent à l’expression artistique par excellente via l’image qui est le cinéma , ils ont du mal à communiquer de l’émotion . Le thermomètre est le concours des jeunes qui réalisent leur premier court métrage organisé chaque année par le CNCI et le Goethe institut …. A des jeunes on donne tous les moyens et on leur permet de réaliser un court métrage . Constat : Ils maitrisent la technique et le maniement des caméras et des sons à la perfection , mais ils n’arrivent pas à communiquer de l’émotion à travers leurs histoires . Certes qu’ils racontent une histoire mais cette histoire garde toujours la froideur de la communication virtuelle. Cela se comprend parce que ces jeunes, même s’ils sont formés par des professeurs respectables n’ont jamais lu un livre …. Pour eux « être informé » c’est « être cultivé … »
On arrive maintenant à la question qui donne bonne conscience à tous les responsables tunisiens censées s’atteler à trouver des solutions pour sauver la nouvelle génération de l’abrutissement total. « Oui, mais même dans les pays les plus développés on ne lit plus comme avant ! » Réponse : On ne lit plus comme avant, mais on lit toujours une quantité assez bonne qui force le respect ! D’autre part ces pays développés ont déjà des démocraties et des institutions installées et rodées qui s’adaptent à toutes les situations …. Et ces institutions ont été créés lorsque les responsables avaient un livre à la main plus de deux heures par jour …. Et nous ? Peut-on construire une démocratie avec 0,58 livres lus par an à raison de quatre minutes par jour ?
Dans son livre « Deux pouces et des Neurones » la Sociologue Sylvie Octobre écrit « Il y a bien des façons de lire. En réalité, on n’a jamais tant lu : des textes, des publicités, des articles, etc. Mais le goût pour la lecture de littérature baisse. Ces deux types de lectures sont différents. La lecture HTML est « additive », les liens et les articles se superposent les uns aux autres. Pour ne pas se perdre dans le flot d’informations, il faut construire une séquence de lecture. Il faut faire le tri, ne pas se perdre pour éviter la saturation informationnelle, le moment où l’on ne comprend plus rien à ce qu’on lit et où l’on tourne en rond. Ce sont des compétences très difficiles à acquérir. »
Le risque ? C’est qu’un jour on va tout savoir sans rien savoir …. C’est du tout cuit pour une dictature….