La justice tunisienne vient de franchir un pas controversé en ordonnant l’incarcération de Maître Ahmed Souab, éminent défenseur et ancien magistrat. Ce mercredi 23 avril 2025, le pôle judiciaire antiterroriste a scellé le sort de l’avocat après une garde à vue marathon de 48 heures, ouvrant un nouveau chapitre dans les tensions entre pouvoir judiciaire et liberté d’expression.
Selon une déclaration officielle de Me Laroussi Zguir, président du Conseil régional des avocats de Tunis, la défense de l’ancien magistrat Ahmed Souab a été contrainte de se retirer de l’audience. Le motif ? Le juge d’instruction aurait arbitrairement limité à quatre le nombre d’avocats autorisés à assister à l’audience, une décision perçue comme une entrave manifeste aux droits de la défense.
Cette restriction inhabituelle intervient dans un dossier déjà hautement sensible, où chaque aspect procédural fait l’objet d’une attention particulière. Les observateurs juridiques s’interrogent sur cette limitation, alors que la loi tunisienne garantit normalement le libre accès des conseils de la défense aux audiences.
Tout a commencé par une allocution publique devant le siège de l’Ordre des avocats. Le 19 avril dernier, Me Souab, plaidant dans l’épineux dossier du « complot contre la sûreté de l’État », avait employé une formule choc : « Les magistrats œuvrent avec une lame sous la gorge ». Une métaphore percutante visant selon ses confrères à dénoncer les pressions sur l’institution judiciaire, mais que les autorités ont interprétée comme une menace voilée.
L’acte d’accusation, particulièrement sévère, mobilise des textes répressifs rarement invoqués contre des praticiens du droit. Les qualifications retenues – menaces terroristes, mise en danger de fonctionnaires et incitation à la violence – jettent une ombre inquiétante sur le climat des libertés publiques. « C’est un tournant dangereux qui criminalise la critique », s’alarme un professeur de droit constitutionnel contacté par nos soins.
La réaction du milieu juridique ne s’est pas fait attendre. L’Ordre des avocats, réuni en urgence, envisage des actions concertées tandis que le syndicat des magistrats observe un silence éloquent. Les organisations internationales, par la voix de la représentante locale d’Amnesty International, parlent déjà de « dérive autoritaire ».
Ce cas emblématique s’inscrit dans une inquiétante série de restrictions aux libertés fondamentales observées depuis plusieurs mois. Les analystes y voient le signe d’un durcissement du pouvoir face à toute forme de dissidence, y compris lorsqu’elle émane des professions juridiques.
Les prochains jours s’annoncent décisifs. Entre le recours judiciaire imminent et les pressions internationales croissantes, le sort de Me Souab pourrait devenir le symbole d’une nouvelle bataille pour les droits fondamentaux en Tunisie. Les chancelleries occidentales, selon nos informations, suivent le dossier avec une attention particulière.