L’aide internationale passe sous la porte de la solidarité internationale et de la solidarité entre les peuples… Mais la question qu’il faut se poser est pourquoi la Tunisie en avait-elle besoin en premier lieu ?


Qui est-ce qui a amené la Tunisie au besoin d’autrui pour subvenir à ses besoins ? Un Etat souverain ne peut-il pas survivre sans en arriver à la mendicité ?


Le Qatar a contribué avec un hôpital mobile et du matériel médical, les Émirats ont contribué avec des doses de vaccin. La Turquie a également envoyé du matériel médical et pharmaceutique, ainsi que des vaccins. L’Algérie voisine a donné des vaccins et des camions d’oxygène à la Tunisie. Les États-Unis, l’Arabie saoudite et l’Égypte ont également contribué.


Cette aide était, certes, nécessaire. Cependant, la nécessité ici découle notamment de la stérilité de l’Etat. Et l’hypothèse – encore valide – que l’absence d’aide provoquerait une situation épidémique catastrophique en Tunisie, fait craindre que le décès de centaines de milliers de personnes et la menace de l’effondrement de l’Etat n’est pas encore à exclure.
Pourquoi la Tunisie n’a pas pu subvenir à ses besoins de santé ?


Les dernières données choquantes sur la planification sanitaire tunisienne ont prouvé que dans l’Etat de « l’Indépendance » – comprenez de Bourguiba, en passant par Ben Ali, la révolution et jusqu’à aujourd’hui – les hôpitaux tunisiens réunis ne disposent pas de plus d’une centaine de lits de réanimation. Et ce, face à une population de plus de 11 millions de personnes.
Nissaf Ben Alaya, porte-parole du ministère de la Santé et directrice de l’Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes, affirme que le système sanitaire s’est effondré. Elle a annoncé la fin d’un acquis dont la Tunisie a toujours été fière. Malgré certaines inexactitudes dans ses propos, le système de santé est, en effet, dans l’une de ses pires situations. L’institution sanitaire est effectivement devenue incapable de suivre le rythme de la situation épidémiologique du pays. Pourquoi ?
Depuis les années 1990, le pouvoir tunisien a choisi d’abandonner la chose publique et de donner libre cours aux options néolibérales. Soumettant ainsi tout ce qui incombe à l’Etat à la dualité de l’offre et de la demande et abandonnant même le rôle de l’Etat régulateur.


Les choix économiques et politiques de l’Etat ont affaibli les secteurs de base en Tunisie tels que l’éducation, la santé, les transports et la recherche scientifique. Le régime a transféré le mode de vie en Tunisie, sans que l’Etat en ait les acquis, vers l’ère du service.
Le peuple tunisien a encouragé la chute du système politique autoritaire, en raison de la négligence de ce dernier des revendications politiques. Toutefois, la famine, la destruction planifiée du secteur public et la propagation du chômage ont été les premières causes de la chute du régime dictateur.


Le 14 janvier 2011, on l’appela une révolution, comme celles qui furent « fixées aux principes qui les ont commencées ». Le monde a attendu que la Tunisie entame une nouvelle phase historique capable d’y changer la pratique politique. Non seulement dans la région nord-africaine mais aussi dans le monde. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Il est vrai que, les nouveaux dirigeants de la Tunisie sont élus à l’issue d’un processus « libre ». Toutefois, on ne peut considérer qu’ils aient été élus dans un contexte démocratique car ce dernier est, encore et toujours, en train de se former.
Les nouveaux dirigeants en Tunisie ont maintenu les mêmes institutions économiques, les mêmes structures sociologiques et politiques. Ainsi donc, ils ont répondu avec justesse à la théorie d’Albert Einstein sur la folie. Il est naïf – fou en l’occurrence – de refaire sans cesse la même chose en s’attendant à un résultat différent… En effet, les dirigeants de la Tunisie ont répété la même approche économique et développementale utilisée par Ben Ali, en s’attendant à des résultats révolutionnaires.
C’est cette naïveté politique et intellectuelle qui a caractérisé les dirigeants de la Tunisie après la révolution, ils étaient donc incapables de gérer des besoins qui évoluent et une société qui mue, témoignant de la même incapacité du dictateur déchu. Ils ont tout autant négligé les services de base en matière de santé, d’éducation et de transport, entre autres.
Auraient-ils compris le capitalisme de manière superficielle ? Nos dirigeants considéraient qu’il consiste à tout céder au secteur privé. Oubliant ainsi que le capitalisme est un mode de production économique basé sur l’individu, mais où l’Etat a un rôle régulateur dans les secteurs stratégiques. Les pays respectés, aussi pauvres et aussi simple leur approche économique soit-elle, ne négligent pas la santé et l’éducation de leurs citoyens. De par le monde, un Etat ne confie pas le sort des générations futures aux courtiers des métropoles financières mondiales.


Les dirigeants de la Tunisie postrévolutionnaire n’ont pas traité le pays avec le respect que son Histoire et son peuple méritent. Ils s’assimilent à de simples fonctionnaires qui passent par le pouvoir comme un tremplin personnel ou un plan de carrière. Ils ont été incapables de gérer la crise et de répondre aux besoins des Tunisiens. Ces dirigeants n’ont pas présenté une quelconque vision réaliste, ou un plan stratégique qui se projette dans l’avenir. Ainsi donc, ils ont négligé la santé des Tunisiens et se sont impliqués politiquement, moralement et légalement dans le meurtre de milliers de citoyens.
Il est vrai que l’aide internationale reflète l’étendue de la solidarité entre les peuples, mais elle ne doit pas masquer le crime de négligence… voire la responsabilité dans l’anéantissement de l’espoir d’un pays, la Tunisie, depuis les années cinquante jusqu’à aujourd’hui.