TUNIS – Un sérieux différend diplomatique a éclaté entre la Tunisie et l’Union européenne après une rencontre entre l’ambassadeur de l’UE et le puissant syndicat tunisien UGTT, suscitant une vive réaction du président Saïed.
Le palais présidentiel de Carthage a exprimé un mécontentement profond, convoquant l’ambassadeur de l’UE, Giuseppe Perrone, pour lui signifier son désaccord. La raison de cette convocation ? Une indignation officielle, exprimée avec une rare intensité, face à ce que la présidence considère comme un « dépassement des limites » du protocole diplomatique.
Au cœur de la controverse se trouve une réunion entre l’ambassadeur européen et Noureddine Taboubi, le chef de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), la principale organisation syndicale du pays. Le gouvernement tunisien voit d’un mauvais œil le fait que le diplomate ait salué le « rôle essentiel » du syndicat lors de cet entretien, le considérant comme une démarche non conforme aux « procédures officielles ». Selon Carthage, ce faux pas diplomatique justifie une vive protestation.
Bruxelles maintient sa ligne
La réponse de Bruxelles à la réprimande tunisienne a été à la fois ferme et mesurée. Loin de présenter des excuses, l’Union européenne a défendu son représentant avec une sérénité qui contraste avec l’agitation en Tunisie. Un représentant de l’UE, Anwar El Aouni, a souligné lors d’une conférence de presse que le dialogue avec toutes les parties prenantes de la société civile, y compris les syndicats, est une « pratique courante » et même « l’essence du travail » d’un diplomate.
Bruxelles a également rappelé, avec une subtile insistance, l’importance de l’UGTT : membre du « Quartet du dialogue national », l’organisation a reçu le prix Nobel de la paix en 2015 pour sa « contribution décisive » à l’édification de la démocratie tunisienne. Ce rappel historique met en évidence le statut particulier de ce partenaire social.
L’histoire en toile de fond et l’ombre de la crise
Derrière cet incident apparemment protocolaire se cache une réalité plus profonde. L’UGTT n’est pas un syndicat comme les autres. C’est une institution, un pilier de la nation qui a façonné l’histoire du pays, de l’indépendance à la révolution de 2011. Son influence politique est considérable.
Cet épisode agité survient dans un contexte tendu. La Tunisie traverse une période socio-économique difficile, marquée par des tensions et des mouvements de protestation. Le fait que le président Saïed intervienne personnellement pour dénoncer une rencontre avec l’UGTT est interprété par certains comme le signe d’une sensibilité accrue aux tentatives d’influence extérieures, dans un pays où la souveraineté nationale est un principe fondamental.
Ce désaccord diplomatique, inhabituel par son ton, révèle une tension palpable dans les relations entre Tunis et son partenaire européen. Un partenariat essentiel, à un moment où la Tunisie a plus que jamais besoin d’aide, mais où les bases du dialogue semblent, pour l’instant, compromises.
