Par Brahim Oueslati

A une exception majeure, celle du 25 Juillet dernier, la communication du président de la République a été marquée par des ratées et des dérapages. Elle a tout du bérézina qui a fait, parfois, jaser.

Sa dernière sortie médiatique sur la chaine émiratie Sky News arabia pour faire des annonces d’une importance capitale, comme « la formation imminente du gouvernement » ou sur la Constitution, et qui concernent particulièrement les Tunisiens, a été une erreur de casting. On ne s’adresse pas à son peuple à travers un média étranger. Jamais ça dans un pays démocratique.

48 heures avant, c’est son conseiller Walid Hajjem qui a déclaré sur cette même chaine que « le régime politique mis en place par la Constitution de 2014 est stérile et a eu des répercussions sur la Tunisie ». Il a évoqué la possibilité « d’aller vers un régime présidentiel » sur la base d’une nouvelle Constitution qui serait adoptée par voie référendaire. Déclaration qui a suscité des réactions hostiles de la part de L’UGTT et d’un certain nombre de partis politiques. Ils ont appelé le chef de l’Etat à « clarifier sa position à ce sujet, à se conformer aux dispositions de la Constitution et à respecter ses engagements. » Et c’est ce qui expliquerait, peut-être, sa déclaration à cette même chaine dont le correspond a été invité à se rendre sur l’avenue Bourguiba pour la recueillir et la faire passer en direct, alors que la chaine nationale al Watanya, est arrivée en retard et ne pouvait pas passer la déclaration du président en direct.

Un président ne doit pas agir comme ça!

On sait que les rapports du président Kais Saied avec les médias n’ont jamais été au beau fixe. Ils sont, par moment, devenus exécrables. Pourtant, il a été l’un de ses invités privilégiés, après 2011 pour exprimer ses positions, notamment sur la Constitution qui était en cours d’élaboration, sur le régime politique, le mode de scrutin, la réconciliation…

Mais on ne l’a pas vu assez au cours de la campagne électorale où il a préféré aller à la rencontre des Tunisiens et des jeunes en particulier, avec qui il a tissé des liens solides. A part une interview accordée à la chaine Watanya où il avait promis de lui réserver sa première sortie médiatique, en cas de victoire finale. Ce qui fut fait.

Après bientôt deux années à la tête l’Etat et l’on connait que peu ou prou sur son projet, sa politique et ses intentions.  Sans bureau de presse, ni porte-parole après le départ de Rachida Ennaifer, suivi de celui de Rim Kacem. C’est Walid Hajjem, promu conseiller, qui fait de son mieux pour combler le vide. Mais en a-t-il les moyens ?

Elevé au rang de « sauveur » par ses nombreux fans qui lui sont complètement acquis, le chef de l’Etat veut rester «le seul maître des horloges» et entend tout réformer. Mais pas question de se presser. Chaque chose en son temps. Sa démarche n’est pas construite en fonction de ce que pensent ou proposent les autres. Il n’a jamais aimé les politiques qu’il méprise et rend responsables de tous les maux du pays. « Ils ont martyrisé le peuple », martèle-t-il, à chaque occasion. Ni les médias non plus. Mais il a la conviction profonde que sa démarche n’est pas baroque. Un peu trop imbu de lui-même, il a endossé les habits de chef de guerre et a ouvert plusieurs fronts dont notamment la lutte contre la corruption, son véritable cheval de bataille.

Sur le plan communication, il s’est démarqué de son prédécesseur Béji Caid Essebsi, sur les plans fond et forme. Le président défunt, dont les sorties médiatiques étaient bien calculées et créaient parfois l’événement, était épaulé par trois conseillers en communication. Mais la comparaison s’arrête là, parce que Kais Saied a osé ce que BCE n’avait pas fait, par calcul partisan et pour des intérêts personnels et familiaux.

Les soliloques du président devant des invités, parfois choisis sur le volet, ont marqué la mémoire des Tunisiens. Il parle beaucoup plus qu’il n’écoute. Alors qu’un président doit avoir le sens de l’écoute et créer un environnement propice aux moments d’échanges avec ses interlocuteurs et les membres de son équipe. Car, « la capacité d’écoute est un préalable à toute bonne communication ». Elle permet de mieux comprendre ce que pensent les autres et d’adapter son discours pour un impact optimal.

Or, l’on constate que ses soliloques, et sa manière de communiquer, souvent braillard, rarement souriant, ont entamé son image et sa stature présidentielle et nourri même des sentiments d’amateurisme. Il ne laisse pas de place pour un débat ou un échange. Un cours magistral dans un amphithéâtre.

L’accès à l’information est restreint. Carthage est devenu une sorte de zone interdite pour les hommes et les femmes des médias qui se contentent des communiqués laconiques publiés dans la page Facebook de la présidence, comme les personnes lambda.

Il doit s’entourer des meilleurs

Personne ne met en doute l’intégrité morale ni la probité intellectuelle du président de la République. Ni encore moins sa bonne volonté et sa sincérité. Mais est-suffisant pour gérer les affaires d’un pays en déconfiture et rehausser l’image d’un Etat déliquescent. Ma réponse est non. Un chef d’Etat quelles que soient ses capacités, ne pourra pas tout réussir seul. C’est pourquoi, notre président est appelé à s’entourer des meilleurs, des compétences bien expérimentées, chacune dans son domaine, pour étudier, analyser, évaluer toute question touchant aux domaines politique, juridique, diplomatique, économique, social, sportif et culturel de la vie nationale et lui faire des propositions.

Il serait souhaitable, voire judicieux que le président  s’ouvre sur  des personnalités de tous bords, intellectuels, hommes de culture et de médias, des économistes, des politiques des anciens diplomates, des acteurs de la société civile et des jeunes bien entendu et tisser des liens avec eux afin qu’ils constituent une forme de ceinture autour de lui.  Pour réussir, il faut privilégier les relations positives qui aident à avancer.

Après son coup d’éclat du 25 Juillet 2021, Kais Saied n’a pas le droit à l’erreur. Il a tout pour réussir et ne pas décevoir son peuple. Et on attend qu’il dévoile ses objectifs, ses ambitions et sa vision pour le pays.

Tout retard serait préjudiciable.