Lors de sa visite inopinée à l’aéroport de Tunis Carthage, lundi dernier, où il s’est enquis, notamment du déroulement des procédures de voyage, le président de la République Kaïs Saïed a affirmé que « la liberté de circulation est toujours garantie ». Toutefois, « les personnes poursuivies la justice ou qui font l’objet de soupçons de corruption sont appelés à régulariser leur situation », car a-t-il ajouté, « la loi ne fait exception de personne et s’applique également à tous ».

Or, depuis l’annonce, dans la soirée de dimanche 25 Juillet dernier, des mesures exceptionnelles, conformément à l’article 80 de la Constitution, plusieurs personnes qui s’apprêtaient à prendre l’avion, ont été refoulées par la police des frontières. Souvent, sans motif ni explication. Ce sont des hommes d’affaires, des hauts responsables, actuels ou anciens, des députés, des juges, des avocats…et la liste s’allonge de jour en jour. Soupçonnés ou non d’un quelconque crime ou délit. C’est la fonction mentionnée dans la carte d’identité nationale ou dans le passeport qui rend chaque passager suspect. Et si le chef de l’Etat a expliqué, au cours de sa visite à Tunis Carthage, que ces mesures sont provisoires  et qu’elles seront levées dès que la situation se stabilise, plusieurs voix se sont élevées pour les dénoncer et appeler à y mettre fin. Elles sont jugées anticonstitutionnelles et constituent une entrave à la liberté de circulation. L’universitaire Salsabil Klibi, professeur de droit constitutionnel, a expliqué, dans un statut publié dans sa page représente un grand danger pour les droits et les libertés que l’état d’urgence. « Son application implique la suspension des droits et libertés et des garanties y afférentes, mais ne signifie pas la restriction de la liberté de circulation à l’intérieur comme à l’extérieur du pays ».  

L’interdiction de voyage est une mesure préventive, généralement, prise par la justice. Bloquer des citoyens à l’aéroport, sans ordonnance du parquet ou du juge d’instruction, est une pratique arbitraire en violation du droit tunisien et du droit international. Le chef de l’Etat, en bon constitutionnaliste, n’est pas sensé l’ignorer. S’il a de bonnes raisons d’empêcher certaines personnes soupçonnées de détournement d’argent, de corruption ou de malversations, les mesures exceptionnelles qu’il a annoncées ne doivent pas trop restreindre les libertés pour tomber dans l’arbitraire.