La situation en Tunisie, qui vit depuis un mois sous le régime de mesures exceptionnelles, suite à l’annonce du président de la République Kais Saied du gel du parlement et de la révocation du chef du gouvernement, conformément à l’article 80 de la Constitution, préoccupe, de plus en plus, les pays étrangers qui se disent soucieux de la stabilité du dernier « rescapé » de ce qui est appelé « le printemps arabe ».
Le prolongement par un simple communiqué laconique, publié tard dans la soirée du 24 Août, par la présidence de la république, de l’état d’exception « jusqu’à nouvel ordre », a prolongé « un peu plus la jeune démocratie dans l’inconnu, dans un contexte de crise économique et sociale aiguë », selon l’AFP. L’Agence de presse française ajoute, dans une dépêche reprise par plusieurs médias étrangers, que la décision de Kais Saied qui « a été qualifiée de “coup d’État” par certains juristes et ses adversaires politiques, en particulier le parti Ennahdha » a, par contre, été « accueilli avec enthousiasme » par « nombre de Tunisiens exaspérés par leur classe politique, qui attendent des actes forts contre la corruption et l’impunité dans un pays où la situation sociale, économique et sanitaire est très difficile ».
Toutefois, souligne l’AFP, « son coup d’éclat préoccupe la communauté internationale, qui craint que le berceau des Printemps arabes ne régresse vers l’autoritarisme.
Mardi, la France a dit avoir “pris connaissance de la décision du président Saied”. Paris “se tient aux côtés de la Tunisie pour relever” les défis auxquels elle est confrontée et qui appellent des mesures urgentes que le président Saïed s’est engagé à prendre dans le respect de la légitimité populaire”, a indiqué à l’AFP un porte-parole du Quai d’Orsay ».
De son côté, le Washington Post, relève que « le président a décidé de consolider le pouvoir entre ses mains le 25 juillet, après des manifestations nationales parfois violentes contre la détérioration des conditions sociales et économiques exacerbées par la propagation du coronavirus ».
L’union européenne qui a déjà fait entendre sa voix au lendemain du « coup d’éclat » du chef de l’Etat, a appelé à « sauver la seule démocratie d’Afrique du Nord » et s’active à » pousser Kais Saied à revenir sur ses pas et lui offrir une issue qui lui permette de sauver la face. Cette issue doit être celle qui privilégie la démocratie tunisienne plutôt que n’importe quel individu ».
« Une absence de l’Europe en Tunisie conduira inévitablement d’autres puissances régionales à tenter d’exploiter la situation aux portes de l’Europe, comme cela s’est déjà amèrement produit en Libye. »
Hier, Michael Gahler, rapporteur permanent du Parlement européen et membre du Groupe du Parti populaire européen (Démocrates-Chrétiens), a appelé la Commission européenne à examiner immédiatement les mesures permettant de garantir le retour à la voie constitutionnelle en Tunisie, après la décision du Président tunisien Kaïs Saïed de prolonger les mesures d’exception « jusqu’à nouvel ordre ».
« C’est avec horreur que j’ai appris la nouvelle sur la prolongation de la suspension du Parlement tunisien à durée indéterminée(…) Je condamne cette démarche dans les termes les plus forts. C’est une attaque contre le cœur de la démocratie tunisienne », a tweeté Gahler.
Dans ce contexte, seule l’Algérie, par la voix de son ministre des affaires étrangères Ramtane Lamamra qui a remis, le 23 Août, une lettre écrite du président Taboune à son homologue Kais saied, dit comprendre « les circonstances particulières que traverse la Tunisie et respecte sa souveraineté ainsi que son indépendance ». Il a annoncé, au cours d’une conférence de presse tenue hier, que « son pays rejette catégoriquement toute ingérence étrangère en Tunisie et qu’il est prêt à l’aider contre toute tentative d’ingérence. »
Face aux attentes qui se font sentir, le chef de l’Etat prend tout son temps et ne semble pas pressé outre mesure pour annoncer sa feuille de route pour la prochaine étape, « réclamée par plusieurs partis politiques et des organisations de la société civile.»
« La Tunisie vit une sorte de « coup d’État » avec l’aval populaire. Une telle adhésion permet à Kaïs Saïed de garder sereinement les pleins pouvoirs. Il n’a toujours pas nommé de Premier ministre et n’a pas non plus donner sa feuille de route. Certains pensent qu’il n’arrive pas à former un nouveau gouvernement, d’autres disent qu’il prend du temps. Il assure en tout cas vouloir prendre la parole « dans les prochains jours », écrit de son côté Franceinfo.