La venue d’une délégation du Congrès américain en Tunisie conduite par le sénateur démocrate Chris Murphy, a suscité un mouvement de réprobation dans l’opinion publique tunisienne. Des partis politiques et des organisations de la société civile, dont l’UGTT, ont décliné l’invitation de l’ambassade américaine pour rencontrer la délégation. Ils soupçonnent les américains d’ingérences dans les affaires intérieures du pays. Les démocrates sont considérés comme les mentors de ce qui est appelé « printemps arabes », en référence aux mouvements populaires en Tunisie, Egypte, Libye, Yemen, Syrie et qui ont provoqué la chute des régimes en place, et où seule notre pays s’en sorti avec les moindres frais, alors que la Syrie de Bachar el Assad a résisté aux ouragans.
Après l’intermède de « l’Amérique d’abord » du républicain Donald Trump, le retour des démocrates aux affaires avec l’élection de Joe Biden, l’ancien vice-président de Barak Obama, à la Maison blanche, semble avoir donné un nouveau souffle à l’Islam politique dont les tenants ont lamentablement échoué dans la gestion des affaires. C’est le cas du mouvement Ennahdha dont la victoire électorale en 2011 lui a permis d’asseoir son hégémonie sur le pays grâce à son implantation dans la société, à ses invocations de principes islamiques, « de nature à combler simultanément les attentes religieuses et l’espérance d’une plus grande justice sociale ». Mais cette hégémonie s’est érodée au fil des ans, au point que le mouvement islamiste s’est trouvé en rupture de ban avec l’ensemble des Tunisiens. Tenu pour responsable de l’effondrement généralisé que connait le pays depuis la dernière décennie, il a été déclaré inapte à la gestion des affaires du pays. La proclamation de l’état d’exception par le président de la République Kais Saeid , le 25 Juillet dernier, avec la suspension du parlement, véritable bastion d’Ennahdha dont le président Rached Ghannouchi trône sur le perchoir, lui a porté un coup très dur. Et il risque de ne pas s’en relever.
Face à cette situation Ennahdha qui, par l’intermédiaire de son lobbyiste attitré Radhouane Masmoudi, a remué terre et ciel pour faire passer la thèse de « coup d’état », ne semble pas avoir retenu la leçon. Son président Ghannouchi a multiplié les interviews et les articles gracieusement payés dans les plus grands médias du monde, pour dénoncer cet « état d’exception » et la faire passer pour un coup de frein de la transition démocratique dont il se prend pour le « père ».
Le silence du palais
Alors qu’en Tunisie, une sorte de cinquième colonne formée de partisans cachés au sein des rouages de l’Etat, et dans certains médias également, qui sont hostiles au « mouvement du 25 Juillet », s’est mise en place pour semer le doute et la confusion. Une armée de l’ombre formée de bloggeurs, d’activistes, avec de faux profils, sur les réseaux sociaux, des usurpateurs d’identité, des anonymes… appelés « mouches électroniques». Des agents recrutés afin d’investir les réseaux sociaux et qui ont pour mission d’inonder ces réseaux de commentaires et de publications diabolisant des adversaires politiques et pourfendant le mouvement du 25 Juillet. Ils sont encadrés par des superviseurs qui leur fournissent une liste de messages à diffuser et une autre liste de comptes et de pages à signaler. Ils usent, souvent, du vocabulaire des bas-fonds, avec une charge de haine, d’invective, de menace et d’intox.
Au cours des derniers jours, de nouveaux essaims de « mouches électroniques » se sont formés pour soutenir le président de la république. Avec le slogan connu « le peuple veut », ces mouches sont, parfois, d’une virulence inouïe.
Il est évident que quand « les canaux officiels sont défaillants, et que les journalistes peinent à trouver l’information, les gens cherchent à pallier ce manque, en adaptant une autre forme de communication », écrivions-nous dans une précédente chronique, « Les rumeurs de Carthage et les odeurs du Lac ». Les rumeurs qui se propagent comme une trainée de poudre, à travers les réseaux sociaux, avec leurs flots de fausses informations vont déboussoler les citoyens.
La présidence de la république a été tant de fois interpellée sur cette forme d’omerta préjudiciable à l’image même du président, ne semble pas se préoccuper, outre mesure, de cette situation. Ni bureau de presse, ni porte-parole officiel, à Carthage, au moment où Kais Saied détient tous les pouvoirs entre ses mains et reste le seul détenteur de l’information.