Par Soufiane Ben Farhat

Que les choses soient claires. La Tunisie va mal. En effet par-delà le Coronavirus, c’est tout le tissu économique, social et institutionnel qui est en crise. Témoin, un peu partout à travers la République, les Tunisiens livrés à eux-mêmes aux pires moments des vagues successives de la pandémie. Et même si le pire est encore à craindre, les gesticulations des responsables politiques de tout acabit ne trompent plus personne.

En fait, il aura fallu également l’expression massive du flux inouï et unanime du dégoût du Tunisien lambda envers les dirigeants politiques. Ce n’est qu’alors que ces derniers ont feint d’entamer leurs exercices contorsionnistes. Il y a également le sursaut citoyen et les différentes initiatives de la société civile en vue du sauvetage in extremis, qui a tôt fait de mettre à nu l’incurie profonde des politiques. Une fois l’opinion mondiale alertée, quelques gouvernements amis ont répondu aux émouvants appels à l’aide de notre population sinistrée. Ainsi cette dernière fut-elle profondément secouée, saisie des pires et non moins légitimes attentes et préventions.

Mourez, mourez, y a rien à espérer

En fait, les derniers mois ont été éprouvants. En effet, les deux têtes de l’exécutif ont continué à s’escrimer autour de la oiseuse bataille des prérogatives politiques et constitutionnelles. Moyennant l’interférence du chef du Parlement avec le chef du gouvernement et contre le chef de l’Etat. Lequel assume une inimitié vigilante à leur endroit. La guerre de tous contre tous en somme.

Toutefois, une fois les malheurs de la pandémie atteignant des pics inédits et dûment constatés, nos responsables politiques se sont empressés de se débiner. Tout bonnement ils n’assument guère ce que, pourtant, ils défendaient bec et ongles. À savoir leurs plates-bandes et domaines réservés revendiqués à cor et à cri.

Vaccinations à une allure d’escargot

Encore une fois, le malheur des Tunisiens officie, aux yeux des gouvernants, comme l’acte muet de la politique. « Mourez, mourez, nous disent-ils, y a rien à espérer ».

Manœuvres de coulisses

L’histoire retiendra, qu’aux pires moments de la pandémie, les Tunisiens se sont retrouvés dans un cruel tête-à-tête avec leur tragique destin. Aujourd’hui, enfin, les vaccins semblent rappliquer en grande quantité. Pourtant, la majorité des personnes inscrites sur les listes des vaccinés volontaires font encore antichambre. La désorganisation est encore de mise.

Bien pis, des manœuvres de coulisses tendent à faire remplacer le ministre de la Santé. Le chef du gouvernement et les dirigeants d’Ennahdha veulent lui substituer le nahdhaoui Abdellatif Mekki. Ce dernier a déjà occupé le poste de ministre de la Santé à deux reprises. Tout aussi désastreuses et infructueuses l’une que l’autre. N’empêche, la ministrite aiguë le ronge.

Guerre des clans

Et puis la position de Faouzi Mehdi, l’actuel ministre de la Santé, n’est guère confortable. Médecin militaire de carrière, le chef du gouvernement, Hichem Mechichi, le considère comme un transfuge de Kaïs Saïed, président de la République. La louable irruption des médecins militaires qui vaccinent désormais à tour de bras dans toutes les régions semble attiser la colère de la majorité gouvernementale. En effet, c’est le président Kaïs Saïed qui a mis en branle ces opérations en sa qualité de chef suprême des forces armées.

Le ministre de la Santé est, depuis, doublement pris à partie par le gouvernement et sa coalition partisane. Son désaccord avec certains de ses plus proches collaborateurs est criante. Ils occupent leur fauteuil au siège du gouvernement plutôt que dans leur département. Les charges répétées de certains députés d’Ennahdha au Parlement à l’encontre du ministre de la Santé en disent long là-dessus. En effet, il fait les frais de la guerre des clans. Pourtant, la guerre contre la pandémie et ses tournures dramatiques et meurtrières plaident en faveur des rangs serrés plutôt que dispersés et antagoniques.

Foire d’empoigne

D’ailleurs, le Parlement s’apparente davantage à une foire d’empoigne qu’à une haute institution de la République. En fait, on y croise les fers et on y guerroie à loisir. Les images retransmises sur la chaîne TV nationale en dégoûtent plus d’un. Les citoyens ne comprennent même pas l’enjeu réel des empoignades. C’est flou, à la limite du crapuleux, et ça sent le souffre.

Parlement ou ring de boxe ?

En fait, l’extraversion de divers responsables politiques tunisiens ne fait guère de doutes. Certains sont acquis à l’axe Qatar-Turquie, d’autres aux Émiratis, aux Saoudiens ou à d’autres puissances régionales ou internationales. En sciences politiques, la IVème République française est qualifiée de République des crises. Vingt-trois gouvernements s’y étaient succédé en onze ans. Chez nous, ça vire à la République des pantins. Et cela semble parti pour officier à perpétuelle demeure.

S.B.F