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Tunisie : la cour d’appel clôt le dossier du complot par des peines allant de 5 à 45 ans de prison

La Cour d’appel tunisienne a rendu son verdict final dans l’affaire dite du « complot contre l’État », confirmant les lourdes peines prononcées à l’encontre de nombreux accusés, dont des figures de l’opposition. Cette décision, annoncée jeudi soir, met fin à une affaire très controversée qui a exacerbé les tensions en Tunisie.

Répercussions importantes

Selon un communiqué de l’agence de presse officielle Tunis Afrique Presse (TAP), la cour spécialisée dans les affaires liées au terrorisme a rendu un jugement définitif, mettant fin à la procédure d’appel.

Les peines d’emprisonnement varient considérablement en fonction de la situation des accusés :

Ceux qui étaient déjà incarcérés ont été condamnés à des peines allant de 10 à 45 ans.

Les charges ont été abandonnées contre une personne détenue, dont le nom n’a pas été divulgué.

Les accusés qui étaient libres pendant le procès ont été condamnés à des peines allant de 5 à 35 ans. Les charges ont également été abandonnées contre deux d’entre eux.

Pour ceux qui avaient pris la fuite, la cour a confirmé les peines initiales de 33 ans, avec effet immédiat, et a même augmenté certaines d’entre elles à 43 ans, les mandats d’arrêt internationaux restant en vigueur.

En plus de leur peine de prison, certaines personnes condamnées devront payer des amendes et leurs avoirs détenus dans des banques tunisiennes seront confisqués.

Un verdict lourd de conséquences

Plusieurs personnalités politiques et civiles tunisiennes de premier plan ont été lourdement touchées, notamment Jawhar Ben Mbarek, Ghazi Chaouachi, Ridha Belhaj, Issam Chebbi et Chaima Issa, chacun condamné à 20 ans de prison. Abdelhamid Jelassi a été condamné à 10 ans de prison, Najib Chebbi à 12 ans et Ayachi Hammami à 5 ans (contre 8 ans lors du premier procès).

La cour a également alourdi les peines de deux accusés à 43 ans, accompagnées d’un mandat d’arrêt international et d’une exécution immédiate. Pour la majorité des autres accusés, les peines de 33 ans de prison ont été maintenues, également avec exécution immédiate.

Toutefois, le verdict a apporté un certain soulagement, notamment avec l’annonce de l’abandon des charges contre Lazhar Akremi et Hatab Slama (détenus depuis près de deux ans), qui avaient initialement été condamnés à 8 ans par le tribunal de première instance. Cette décision, bien que limitée, contraste avec la sévérité générale du jugement.

Contexte et origines d’une affaire politique

Cette affaire, qui implique une quarantaine de personnalités politiques, de fonctionnaires et d’hommes d’affaires, a débuté en février 2023 à la suite d’une annonce de la police concernant un prétendu « complot contre l’État », qui a conduit à la délivrance de mandats d’arrêt.

Parmi les personnes impliquées figuraient des dirigeants du parti Ennahdha, tels que Noureddine Bhiri et Abdelhamid Jelassi, ainsi que des membres du groupe d’opposition, le Front de salut, tels que Jawhar Ben Mbarek et Reda Belhaj. Des dirigeants du parti, dont Issam Chebbi et Ghazi Chaouachi, étaient également impliqués.

Tous ont été accusés d’infractions similaires, notamment de « formation d’une organisation terroriste », d’« espionnage » et de « mise en danger de la sécurité nationale », accusations systématiquement rejetées par les avocats qui les considèrent comme un moyen d’« éliminer l’opposition ».

Procédures judiciaires contestables

Dès le début, cette affaire a été critiquée par les organisations de défense des droits humains et les avocats de la défense, qui la considèrent comme un procès politique. Le verdict initial rendu en avril 2025 a suscité de vives critiques en raison de sa rapidité et des peines allant jusqu’à 66 ans de prison.

Révision du jugement initial

Ce jugement définitif fait suite à un premier procès qui s’est conclu en avril 2025 par des peines extrêmement sévères, notamment 66 ans pour Kamel Ltaief, 48 ans pour Khayem Turki et 43 ans pour Noureddine Bhiri. Ces condamnations ont été prononcées à l’issue d’un procès expéditif (trois audiences seulement) dans des conditions jugées par la défense contraires aux principes d’un procès équitable.

Les accusations portées contre les accusés étaient particulièrement graves : « complot contre la sécurité intérieure et extérieure du pays », « création et participation à un groupe terroriste », « incitation à la violence » et « mise en danger de l’approvisionnement alimentaire et de l’environnement ». Les avocats de la défense et plusieurs organisations internationales ont toujours soutenu que ces accusations manquaient de preuves solides.

Un climat politique difficile

Ce verdict final intervient dans un contexte de tensions politiques importantes en Tunisie. Depuis l’arrivée au pouvoir du président Kaïs Saïed en juillet 2021, les autorités ont considérablement restreint les libertés de l’opposition, justifiant ces mesures comme nécessaires pour lutter contre les « menaces à la stabilité du pays ».

Les détracteurs affirment que cette affaire témoigne d’une dérive vers l’autoritarisme, utilisant le système judiciaire pour réduire au silence l’opposition politique et les organisations indépendantes de la société civile.

Cette affaire s’inscrit dans un contexte de tensions politiques persistantes en Tunisie depuis que le président Kaïs Saïed a consolidé son pouvoir en juillet 2021. Les autorités justifient ces poursuites judiciaires en invoquant la nécessité de lutter contre les « complots » qui mettent en danger la stabilité du pays, tandis que l’opposition et les organisations civiles dénoncent ce qu’elles considèrent comme une manipulation du système judiciaire à des fins de répression politique.

La rapidité de la procédure, le recours à la vidéoconférence pour les accusés incarcérés, l’absence d’interrogatoire direct des témoins et le caractère partiellement fermé des audiences ont été critiqués par les observateurs internationaux comme constituant des violations des normes internationales relatives aux droits des accusés.

Préoccupations internationales et appels à la libération

La communauté internationale suit de près cette situation. Plusieurs pays et organisations, dont Human Rights Watch et les Nations unies, ont exprimé leur profonde préoccupation concernant le respect de l’État de droit en Tunisie.

Si ce verdict final met théoriquement un terme à la procédure judiciaire dans cette affaire, son impact politique devrait se faire sentir pendant longtemps. Le pays, qui a été le point de départ du « printemps arabe », semble entrer dans une période difficile dont l’issue est incertaine.

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