La mise sous scellé des locaux de l’Instance de lutte contre la corruption(INLUUC) et l’assignation de son ancien président Chawki Tabib à résidence surveillée, ont remis sur le tapis le bilan des instances constitutionnelles, considérées comme supraconstitutionnelles, et leur coût pour le contribuable. D’aucuns se demandent, ailleurs, qu’avec l’état d’exception annoncé par le président de la république Kais Saied, le 25 Juillet et prorogé pour un délai indéterminé, s’il ne faut pas suspendre, également, ces instances, comme c’est le cas pour le parlement et lever l’immunité de leurs membres.
La Constitution de janvier 2014, a créé cinq instances : l’Instance des élections(ISIE), l’Instance de la communication audiovisuelle, l’Instance des droits de l’homme, l’Instance du développement durable et des droits des générations futures et l’Instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption, auxquelles, il faut ajouter quatre autres non constitutionnelles dont notamment l’IVD. Cette dernière est censée « rétablir la dignité afin de parvenir à la réconciliation nationale », avec pour finalité de « renforcer l’unité nationale, de réaliser la justice et la paix sociales, d’édifier l’Etat de droit et de rétablir la confiance du citoyen dans les institutions de l’Etat». Or, cette instance de la discorde a déjà vécu, sans toucher au but. D’ailleurs, sa présidente se trouve actuellement dans la tourmente, épinglée par un rapport de la Cour des comptes et poursuivie devant la justice.
Les membres des Instances constitutionnelles, dont le président sont élus par l’Assemblée des représentants du peuple. Leurs membres sont, quelque part, redevables aux partis politiques, notamment le président.
Plus de six ans après les premières élections de 2014, seule l’instance des élections a été installée. Trois autres dont la Haute autorité de l’audiovisuel ( HAICA), continuent de fonctionner en vertu des décrets-lois promulgués en 2011 par le président intérimaire Foued Mebazaa. La plus ancienne, celle de l’audiovisuel a été installée, le 3 Mai 2013, par le président provisoire Moncef Marzouki.
Pour revenir à l’Isie, il faut rappeler que la crédibilité de l’Instance a été fortement entamée, au cours des dernières élections. Sa gestion financière a été épinglée par la Cour des comptes, dans un rapport publié en 2017, qui a relevé plusieurs infractions.
Des salaires mirobolants et de gros avantages
Les budgets des Instances sont rattachés au budget de l’Etat. Les émoluments de leurs membres sont fixés par décret gouvernemental.
Les membres de la haute autorité de l’audiovisuel (Haica) sont rémunérés en vertu du décret du 26 juillet 2013, promulgué par le chef du gouvernement de l’époque, Ali Laârayedh. Le président perçoit un salaire mensuel de 3.500 dinars, bénéficie d’une voiture de fonction et 500 litres de carburant. Le vice-président, quant à lui, perçoit 100 dinars de moins, soit 3.400 dinars et bénéficie, à son tour, d’une voiture de fonction et 360 litres de carburant. Alors que les sept autres membres perçoivent chacun 3.200 dinars et ont droit à une voiture de fonction et 360 litres de carburant. Ils sont, relativement, moins payés que leurs collègues de l’Instance vérité et dignité (IVD) dont la présidente perçoit 3.800 dinars par mois et bénéfice d’une voiture de fonction et d’un contingent de carburants égal à 500 litres.
Son vice-président a un traitement mensuel de 3.600 dinars et a droit à une voiture de fonction et 360 litres de carburant. Les autres membres perçoivent chacun un traitement mensuel de 3.400 dinars et bénéficient, également, d’une voiture de fonction et 360 litres de carburant (décret n° 2014- 3125 du 2 septembre 2014, fixant le régime de rémunération du président et des membres de l’Instance vérité et dignité).
Quant aux membres de l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie), ils ont un traitement mensuel de 3.600 dinars chacun, en plus d’une voiture de fonction et de 360 litres. Par contre, le salaire du président est indexé à celui d’un ministre. Sans compter, bien entendu, les autres avantages, comme le bureau et ses fournitures, le secrétariat, le téléphone, les frais de déplacement et de mission, les journaux…
Le rapport de la cour des comptes sur la gestion de l’Instance supérieure des élections(ISIE), susmentionné, et publié en mai 2017, a révélé que près de la moitié du budget de l’année 2014 qui est de l’ordre de 84 millions de dinars, est allée aux salaires des membres de l’Instance et ses agents. A eux seuls les neufs membres ont coûté 772 mille dinars soit une moyenne de 80 mille dinars par an et 6.700 dinars par mois, sans compter les avantages en nature comme la voiture de fonction, le carburant, les frais de bouche, le téléphone, les frais de déplacement et de mission.
A tout cela il faut ajouter les frais de fonctionnement, et notamment ceux des loyers dans le luxueux quartier du Lac.
Un membre d’une instance reviendrait à plus de huit mille dinars par mois. Tout cela aux frais des pauvres contribuables.
B.O