Par : Kamel Zaiem

Il ne s’agit pas d’une première et cette fois-ci, Kaïs Saïed est allé un peu plus loin. Le président de la République, qui a prononcé un discours avant-hier vendredi, à l’occasion d’une cérémonie de signature de la convention de distribution des aides sociales en faveur des familles démunies, n’a pas seulement parlé des jours historiques que la Tunisie vit. Des jours marqués par des circonstances exceptionnelles en rapport avec la situation économique, financière et sanitaire.

Enièmes accusations

Et si l’un des passages de ce discours a suscité une certaine polémique lorsqu’il a évoqué la responsabilité du secteur de la justice dans tout ce qui se passe dans le pays et la responsabilité des magistrats en les invitant à appliquer la loi honnêtement aussi bien pour les démunis que pour ceux qui pensent être intouchables, c’est surtout les propos du président de la République au sujet des tentatives d’assassinat qui le visent qui ont plus accaparé l’attention.

A ce propos, il s’agit de la première fois que Saïed cite dans ce contexte, et pour la première fois, les islamistes qui agissent très loin de l’islam et de ces préceptes : « Je suis au courant de ce qu’ils manigancent. Je leur dis que je n’ai peur que de Dieu malgré leurs tentatives misérables».

Du coup, les Tunisiens doivent-ils prendre au sérieux de telles accusations ?

A priori, c’est bien le cas car les menaces existent et le passage à l’action, dans un pays qui a déjà connu de tels sombres épisodes, est fort possible.

Certains experts en la matière et observateurs politiques avertis pensent que  les déclarations du Président sont à prendre au plus haut niveau de sérieux et de gravité!».

Les « projets » d’assassinats n’ont pas manqué

Déjà, lors d’un entretien mardi 15 juin à la présidence de la République, le chef de l’État Kaïs Saïed qui recevait le chef du gouvernement d’alors, Hichem Mechichi, ainsi que les anciens Ali Laarayedh, Elyes Fakhfakh et Youssef Chahed, a déclaré que certaines parties veulent l’écarter du pouvoir, même par l’assassinat, selon la vidéo de la rencontre postée sur la page Facebook de la présidence.

D’autres informations non officielles font écho d’autres tentatives d’assassinat. On se rappelle bien de la sortie nocturne du président de la République en pleine nuit pour aller passer le reste de la nuit dans une caserne près de Bizerte. On a évoqué, à cette occasion, une intervention des services secrets français qui ont demandé à Saïed de quitter le palais présidentiel suite à des informations sur une éventuelle tentative d’assassinat.

Au mois de juin dernier, le président de la République devait assister à la finale de la coupe de Tunisie organisée à Djerba. Là, aussi, ce déplacement a été annulé au dernier moment pour les mêmes raisons puisqu’on a révélé, dans une totale discrétion, l’existence d’un missile qui était mis en place non loin du stade pour être lancé sur la tribune officielle du stade !

Mais que se passe-t-il au juste et qui pourrait bien chercher à écarter le Président et pour quels motifs?

Tout tourne autour de la corruption

Les réponses, bien que pas trop convaincantes, faute de preuves, ne manquent pas. Car, si  Saïed n’arrête pas d’en parler, c’est qu’il a à sa disposition toutes les informations nécessaires qui vont dans ce sens, d’autant plus qu’il reçoit des rapports sécuritaires réguliers provenant séparément des ministères de la Défense et de l’Intérieur. Et puis, Saïed a mis, en tête de ses priorités, la nécessaire guerre contre la corruption. Or, le pays a été envahi, durant la dernière décennie, par les mafias et les contrebandiers qui bénéficiaient du feu vert d’Ennahdha et des autres partis au pouvoir, toujours prêts à collaborer avec ces mafiosis. L’arrivée de Kaïs Saïed au pouvoir ne doit nullement les satisfaire et son entêtement à combattre la corruption a déréglé les plans des islamistes et leurs complices et pourrait les inciter à l’éliminer.

Et puis, il ne faut surtout pas oublier la visite secrète de Rached Ghannouchi au Qatar, une visite qui a été dénoncée par les députés de l’opposition et par la présidence de la République. Et il n’y a aucun doute que c’est Ghannouchi, celui qui possède une fortune estimée à 27 milliards de dinars, selon le journal « Al Anwar », qui est visé par les déclarations de Kaïs Saïed, lorsqu’il affirme que « les vrais patriotes n’organisent pas de réunions à l’étranger en vue de trouver un moyen pour écarter le président de la République même en l’assassinant »».

Dévoiler la vérité

C’est dire que de telles menaces ne doivent pas être prises à la légère et les tristes épisodes des assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi sont là pour nous inciter à condamner toute tentative de recours à de telles pratiques qui risquent de plonger le pays dans le chaos.

Pour le moment, il ne s’agit que d’accusations sans trop de conviction ni de preuves, mais la vigilance doit être de mise pour protéger Saïed et pour défendre les fondements de la République qui ne plaisent pas à ceux qui veulent éterniser le flou qui persiste depuis dix longues années.

De même, il n’est plus temps des hésitations et des balbutiements face à un danger aussi grave et menaçant pour l’avenir du pays. Le moment est propice pour dénoncer et pour dévoiler les noms des personnes et des parties impliquées dans cette magouille meurtrière si jamais les services secrets et les autorités compétentes disposent de preuves tangibles et flagrantes.

K.Z.