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Soudan : une tragédie humanitaire qui interroge l’inaction stratégique de la communauté internationale

Khartoum Alors que le Soudan s’enfonce dans sa troisième année de guerre civile, la crise humanitaire atteint une ampleur inédite, reléguée pourtant aux marges des priorités diplomatiques mondiales. Selon les Nations Unies, il s’agit désormais de la pire crise humanitaire au monde, avec plus de 30 millions de personnes nécessitant une aide urgente et 12 millions de déplacés. Mais au-delà du drame humain, c’est une impasse politique et géopolitique qui se cristallise au cœur de la Corne de l’Afrique.

Par : Nizar Jlidi Journaliste et analyste politique

Une guerre par procuration, un pays en ruines

Le conflit oppose l’armée soudanaise, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhan, aux Forces de soutien rapide (FSR), une puissante milice paramilitaire autrefois alliée au pouvoir. Cette confrontation ne peut être comprise indépendamment des jeux d’influence régionaux et internationaux : Égypte, Émirats arabes unis, Arabie saoudite et Russie y poursuivent des intérêts divergents, instrumentalisant parfois les belligérants.

Khartoum, capitale fragmentée, est aujourd’hui le symbole d’un État effondré, où les services essentiels  santé, éducation, sécurité sont totalement paralysés. Des maladies infectieuses comme la dengue et le paludisme ravagent les quartiers sud, tandis que les hôpitaux sont pillés ou réduits au silence faute de moyens.

Le droit humanitaire bafoué, la diplomatie silencieuse

Dans les zones sous contrôle des FSR, l’armée régulière entrave systématiquement la livraison de l’aide humanitaire. Ces pratiques, dénoncées par des ONG comme Radio Dabanga, constituent des violations directes de la Convention de Genève, qui interdit l’usage de la faim comme arme de guerre. Des entrepôts médicaux sont visés, des travailleurs humanitaires tués en toute impunité, et les attaques contre les civils se multiplient.

Pourtant, aucune sanction internationale décisive n’a été prise à ce jour contre les responsables. Le Conseil de sécurité reste paralysé, freiné par les intérêts croisés des grandes puissances. La Russie, alliée officieuse de l’armée soudanaise via des réseaux paramilitaires tels que Wagner, et la Chine, soucieuse de préserver ses investissements en infrastructures, bloquent toute résolution contraignante.

L’Europe tente de réagir, mais reste en retrait

L’Union européenne a bien organisé, en mars dernier à Bruxelles, une réunion de haut niveau sur la situation au Soudan. Objectif : renforcer la coordination humanitaire et mobiliser des fonds. Mais cette initiative, salutaire sur le plan technique, ne masque pas l’absence de stratégie diplomatique claire de l’Europe dans la région. Londres a accueilli un autre sommet à la mi-avril, appelant à une solution politique inclusive, sans obtenir d’engagement concret des belligérants.

Le général al-Burhan a réaffirmé, en mars dans une interview à l’AFP, son refus catégorique de négocier avec les FSR. Une posture qui enterre toute perspective de cessez-le-feu à court terme.

Une transition civile piétinée, un peuple otage

L’ancien Premier ministre Abdallah Hamdok, désormais à la tête de la coalition civile Samoud, appelle à relancer le processus de transition avorté par le coup d’État militaire de 2021. Il exhorte l’armée à écouter la voix du peuple et de la communauté internationale, estimant qu’aucune victoire militaire n’est possible dans ce conflit de longue durée.

Mais les appels à la raison peinent à se faire entendre dans une région saturée par d’autres crises : guerre à Gaza, tensions en mer Rouge, instabilité au Sahel. Le Soudan est devenu un angle mort de la diplomatie mondiale, alors même que son effondrement risque de déstabiliser davantage toute la Corne de l’Afrique, avec des conséquences migratoires, économiques et sécuritaires pour l’ensemble du continent.

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