Par Soufiane Ben Farhat
La coalition parlementaire al Karama et ses dérivés font encore parler d’eux. Témoin, les récents déboires du député Rached Khiari, de la mouvance de l’extrême-droite religieuse alliée du parti Ennahdha. Ils mettent au jour la énième désillusion du citoyen tunisien. En effet, les derniers haillons des habits révolutionnaires de pacotille partent en lambeaux. Leurs pseudo-credo aussi.
En fait, le député Rached Khiari est poursuivi en justice pour avoir, dans une récente vidéo, accusé le président de la République Kaïs Saïed, d’être à la solde de deux États étrangers. Il avait déclaré détenir les preuves irréfutables sur le transfert, en 2019, d’énormes sommes d’argent liquide au candidat Kaïs Saïed par le gouvernement américain. Après quoi le président Kaïs Saïed aurait, aux dires du député, changé d’épaule pour devenir un agent inféodé au gouvernement français. D’où, selon le député visiblement en transes, la divulgation par le gouvernement américain, des sommes octroyées au candidat Saïed.
Lourdes charges judiciaires
D’ailleurs, dans sa vidéo, Rached Khiari avait défié le président Kaïs Saïed et les instances officielles de déférer l’affaire devant les tribunaux, y compris militaires.
Ce fut chose faite en deux temps et trois mouvements. Le député a refusé de se rendre devant la justice. Le parquet militaire a décerné le lendemain un mandat d’amener à l’encontre de Rached Khiari. Les charges retenues contre lui sont plutôt lourdes. Qu’on en juge : Atteinte au moral de l’armée ; atteinte à l’essence du système militaire au respect et à l’obéissance dus à la hiérarchie, critique de l’état-major ou les responsables de l’armée de manière à atteindre leur dignité ; complicité dans des actes visant à troubler le moral de l’armée ou de la nation dans l’objectif de porter préjudice à l’armée nationale ; complot contre la sûreté intérieure de l’Etat dans l’objectif de changer la composition de l’Etat ou pousser la population à s’attaquer mutuellement avec des armes ; contacts avec des représentants d’un État étranger dans l’objectif de nuire à l’Etat tunisien sur le plan militaire.
Tout en refusant de s’en remettre à la justice, le député a dénoncé sur sa page Facebook la publication du document confidentiel. En fait, il a même indiqué qu’il ne comparaîtra pas devant le tribunal tant que l’on ne dévoilera pas comment ce mandat a été divulgué sur les réseaux sociaux.
Ennahdha dans l’embarras
Les dirigeants d’Ennahdha se sont mobilisés à l’unisson pour défendre Rached Khiari. En fait, ce dernier n’est que l’un de leurs relais prétendument indépendants, la voix de son maître en quelque sorte. En effet, à l’instar de tous les dirigeants d’Ennahdha, il a directement accusé le chef de l’Etat. Tout en poussant davantage le bouchon.
Accusations mutuelles
En fait, on le sait depuis des mois. Le torchon brûle entre Kaïs Saïed, Rached Ghannouchi, président du du parti Ennahdha et Hichem Mechichi. Le premier et les seconds se déchirent. Soit le président de la République d’un côté, le président du Parlement et le chef du gouvernement de l’autre. Le remaniement ministériel du 16 janvier 2021 demeure toujours en suspens. Kaïs Saïed refuse de l’avaliser. Il réclame la démission de tout le gouvernement.
Tels les roitelets des taïfas de l’ancienne Andalousie, chaque président se replie sur ses remparts. Entre-temps, ils ont achevé de transformer les institutions de la République en véritables cantons antagoniques.
Rached Khiari, relais d’Ennahdha
En vérité, le beau-frère de Rached Ghannouchi, Rafik Bouchleka, est aussi virulent dans ses diatribes récurrentes contre le président de la République. Sauf que ces dernières sont montées d’un cran à l’issue de la visite officielle effectuée par Saïed en Égypte il y a deux semaines. Abdel Fattah al Sissi l’y avait reçu en grande pompe et avec tous les honneurs dus à un hôte de marque. D’où la grande colère des Frères musulmans un peu partout. Les Tunisiens d’entre eux ne sont guère en reste. Rached Khiari, relais d’Ennahdha, a redoublé de zèle dans ce concert. Ils s’accordent pour prêter à Kaïs Saïed des visées militaristes. D’autant plus qu’il s’affiche trop; à leurs goûts, entouré de personnes portant l’uniforme.
Pays réel et pays officiel
Le pays officiel délire. En revanche, le pays réel souffre et panse ses blessures. La troisième vague du Covid 19 s’avère particulièrement offensive et meurtrière. Jusqu’à il y a trois jours, on relève près de trois-cent mille Tunisiens atteints du coronavirus. Plus de dix mille d’entre eux sont morts. Le te mortalité s’avère extrêmement élevé, le deuxième dans toute l’Afrique, derrière l’Afrique du Sud. Quant aux vaccinations, elles peinent à décoller. En fait, elles demeurent très en deçà de ce qui avait été promis avec pas plus de 2% des Tunisiens vaccinés, la où on escomptait officiellement 25% avant fin juin 2021.
Côté social, la paupérisation sévit, gagne du terrain, le chômage massif persiste, le renchérissement des prix des denrées alimentaires augmente d’une manière catastrophique.
Ennahdha et ses alliés d’al Karama végètent sur d’autres orbites. Le Parlement constitue l’instance privilégiée de leurs délires et lubies. A la veille des élections, plusieurs députés s’étaient autoproclamés héros. Nous voilà à l’ère des zéros de l’hémicycle !
S.B.F