Après la nomination de Mehdi Jomaa à la tête du gouvernement dans le cadre des conclusions du dialogue national, Rached Ghannouchi, leader du mouvement Ennahdha, a déclaré : « Nous sommes sortis du gouvernement, mais pas du pouvoir. » Cette déclaration résume la stratégie adoptée par le mouvement islamiste dans sa gestion des gouvernements successifs en Tunisie.
Ennahdha (islamiste) a longtemps exercé une influence majeure sur la scène politique tunisienne, notamment grâce à son contrôle de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Même après avoir perdu la majorité aux élections de 2014, le mouvement a rapidement réussi à fragmenter le parti Nidaa Tounes, regagnant ainsi l’initiative politique et réduisant le Premier ministre Youssef Chahed à l’état d’otage. Après les élections de 2019, Ennahdha s’est allié à Nabil Karoui, pourtant diabolisé pendant la campagne électorale, consolidant ainsi son emprise sur le paysage politique.
Cependant, le 25 juillet 2021 a marqué un tournant décisif. Ce jour-là, le président Kaïs Saïed a pris des mesures exceptionnelles, mettant fin à l’influence d’Ennahdha et ouvrant des dizaines de procédures judiciaires contre ses dirigeants, impliqués dans des affaires de terrorisme et de corruption financière. Cette décision a mis un terme à une décennie souvent qualifiée de « noire » par ses détracteurs, durant laquelle Ennahdha a gouverné en alliance avec des acteurs des droits de l’homme et de la « démocratie », tout en étant accusée de menacer les fondements de l’État.
Aujourd’hui, Ennahdha le parti islamiste cherche à revenir sur le devant de la scène, en coopération avec des groupes comme celui du 18 octobre et avec le soutien de certaines ambassades, notamment celles des États-Unis et de l’Union européenne. Le mouvement a investi massivement dans des campagnes de communication en Europe, en Turquie et au Qatar, exploitant les problèmes de développement dont il est en partie responsable.
Face à cette situation, il est essentiel, selon les observateurs, de priver Ennahdha le parti islamiste de toute possibilité de retour en engageant un dialogue approfondi avec les forces soutenant le 25 juillet, ainsi qu’avec les intellectuels et l’élite tunisienne. Les critiques soulignent que le mouvement, souvent accusé de promouvoir un projet d’État religieux, utilise le discours démocratique comme un outil de manipulation, comme en témoigne son soutien passé aux événements en Syrie.
Ennahdha, malgré ses déclarations en faveur du dialogue national, reste perçue par beaucoup comme un acteur cherchant à imposer un agenda religieux, loin des principes républicains. La vigilance reste donc de mise pour éviter un retour en force du mouvement sous le prétexte de défendre la démocratie.
Par: Nizar Jlidi