Rappelons le, d’emblée, les Tunisiens, ont, en grande majorité, approuvé, sans réserves, le « coup d’éclat » du président de la République Kais Saied le 25 Juillet dernier. Elevé au rang de « sauveur » par ses nombreux fans qui lui sont complètement acquis, il veut rester «le maître des horloges» et entend tout réformer. Mais pas question de se presser. Chaque chose en son temps. Sa démarche n’est pas construite en fonction de ce que pensent ou proposent les autres. Il n’a jamais aimé les politiques qu’il méprise et rend responsables de tous les maux du pays. « Ils ont martyrisé le peuple », martèle-t-il, à chaque occasion. Il parle souvent de complot contre l’Etat. Et c’est lui qui particulièrement visé. Complot ourdi par qui ? Et qui se cache derrière ? Une force occulte. Le mot est toujours lâché sans plus de précision.
Mais il a la conviction profonde que sa démarche n’est pas baroque. Un peu trop imbu de lui-même, il a endossé les habits de chef de guerre et a ouvert plusieurs fronts dont notamment la lutte contre la corruption, son véritable cheval de bataille. « Ceux qui ont spolié l’argent des Tunisiens, doivent rendre compte de leurs crimes », sermonne-t-il, souvent dans ses soliloques. « Les deniers du peuple doivent revenir au peuple.» Et le bon peuple applaudit en attendant les dividendes.
« Purge » anti-corruption
Plus de six semaines sont déjà passées depuis cette fameuse nuit du 25 Juillet, et l’attente devient de plus en plus longue. Même les descentes dans des entrepôts bien garnis de toutes sortes de produits, considérés, à tort ou à raison, comme de la spéculation et qui ne sont pas suivies de mesures concrètes pour juguler ce phénomène, ne semblent pas rassurer ceux qui ont cru au Messie.
Malgré les assurances du président de la république, «la purge » anticorruption, enclenchée depuis plus d’un mois, commence à susciter inquiétudes et craintes d’un recul des libertés dans le pays. Tout comme les arrestations, les interdictions de voyage et les assignations à résidence qui visent magistrats, députés et hommes d’affaires et d’autres sans décision de la justice.
Le risque de la dérive autoritaire n’est pas exclu pour les défenseurs des droits de l’homme et des libertés publiques.
Les espoirs suscités dans la soirée du 25 Juillet commencent à s’estomper. Certes, au cours des dernières semaines, le président s’est montré très actif dans la lutte contre la pandémie. Avec l’arrivée des aides de plusieurs pays : vaccins, équipements hospitaliers, oxygène…la campagne de vaccination s’est accélérée. Et on est en passe de gagner la bataille.
Situation confuse
Mais cela ne doit nous faire oublier que le pays s’enlise de jour en jour dans une crise profonde qui a touché tous les secteurs. Une crise multiforme que le chef de l’Etat lui-même reconnait, lui qui a dressé un sombre tableau de la situation générale du pays. Le budget de 2021 n’est pas encore bouclé et la loi des finances complémentaire prévue pour Mars dernier est mise aux oubliettes. Les négociations avec le Fonds monétaire international ( FMI) pour l’octroi d’un prêt de quatre milliards de dollars sont au point mort. Elles devraient, initialement, commencer ce mercredi 1er Septembre, mais malgré les relances du Fonds, « la Tunisie reste muette ». « L’encours de la dette publique a poursuivi sa progression pour avoisiner 98 milliards de dinars, au terme du mois d’avril 2021, en hausse de 4 825 millions de dinars (MD), par rapport à son niveau de fin 2020 », selon la note sur « les évolutions économiques et monétaires et les perspectives à moyen terme (juillet 2021) », publiée le 7 Juillet dernier, par la BCT.
Les bailleurs de fonds s’inquiètent de l’évolution de la situation en Tunisie te semblent en pas trouver de répondant en l’absence d’un gouvernement stable.
Les jeunes qui se sont soulevés contre l’injustice sociale, les disparités régionales, le chômage et la précarité et qui ont soutenu Kais Saied, attendent toujours des réponses à leurs revendications.
« L’union sacrée » autour du « coup d’éclat » du 25 Juillet risque de faire long feu et se disloquer au fur et à mesure des jours.
Pour les observateurs avertis, la situation est on ne peut plus confuse et elle en doit plus durer.