Depuis les mesures prises par Kais Saïed qui consistent principalement en la suspension des activités du parlement, pendant trente jours, la levée de l’immunité parlementaire des députes, le limogeage du chef du gouvernement Hichem Mechichi et la prise du pouvoir exécutif, le président de la République a effectué plusieurs visites sur le terrain: une visite d’inspection à l’unité spéciale de la garde nationale (USGN) de Bir Bouragba (Nabeul) le 4 Août 2021, une visite inopinée, le 16 Aout 2021, à l’aéroport de Tunis-Carthage, une deuxième à l’avenue Habib Bourguiba le premier Août 2021 et la dernière visite à une entreprise de matériaux de construction à Fouchena du gouvernorat de Ben Arous.
Ces visites ont suscité beaucoup de commentaires de la part des journalistes, des observateurs, et même des sémiologues et sociologues.
Ces visites ont , également, amené les citoyens à se poser plusieurs questions : Est-ce que le discours de Kais Saïed a changé ? Que peut on lire entre les lignes du discours de Kais Saïed? Comment peut on analyser son langage non verbal ? quels sont les principaux axes abordés dans son discours ? A quel point la menace et la colère sont présentes dans ces déclarations?
Toutes ces questions vont être évoquées dans cet article pour essayer de les élucider grâce à l’avis des analyses, d’un sémiologue et d’un professeur de droit constitutionnel, à partir de la dernière visite du président de la République Kais Saïed à l’entreprise de matériaux de construction à Fouchena.
Termes utilisés par Saïed incitant la colère et la menace
Lors du limogeage du gouverneur de Ben Arous, des expressions telle que « J’ai mis fin à ses fonctions, en attendant la nomination d’un nouveau gouverneur dévoué au peuple et non pas aux contrebandiers » ne peuvent pas passer inaperçues.
Dans une déclaration à « JDD Tunisie », la professeur de l’analyse de discours politique à l’Institut de Presse et des Sciences de l’Information, Dr Saloua Charfi a expliqué que dire qu’on a besoin de gouverneur dévoué au peuple et non pas aux contrebandiers est accusation sans preuves. Car, a-t-elle souligné, c’est le role de la justice d’intruire de telles accusations et non pas le role du president.
Elle a ajouté: « Le discours de Kais Saïed incite à l’utilisation de la force. En effet, depuis son désaccord avec Mechichi, le discours de Kais Saïed s’est endurci. Il a parlé pendant trois ou quatre mois de chambre noire où se préparent des complots qui s’y préparent. Après le 25 Juillet , on trouve un changement de degré, mais pas un changement de nature. On doit mentionner, dans ce cas, que les paroles incitant à la fore et les accusations ne sont pas une nouvelle pratique pour Saied ».
Kais Saïed et les câlins: nouvelle pratique?
En jetant un coup d’œil sur les photos publiés dans la page officielle de la présidence de la République sur Facebook, vendredi 20 Août 2021, on ne peut pas ne pas accorder attention à une photo qui représente Kais Saïed donnant un câlin à une fillette de bas âge.
Les câlins ne présentent pas une nouvelle pratique pour Kais Saïed. Dans plusieurs visites , le président ne rate pas une occasion pour le faire avec les citoyens et plus précisément avec les jeunes et les enfants.
Selon un sémiologue, qui a refusé de révéler son nom, » cette pratique n’est pas utilisée, uniquement, par Kais Saïed. En effet, les présidents français Jacques Chirac et Emmanuel Macron ont eu, également, recours aux câlins. Elle vise à refléter l’image du père et du protecteur du peuple. « Mais , il faut noter , que ce geste est en contradiction avec les mesures sanitaires face à la pandémie qui doivent être prises en considération »
Derrière les gestes de Kais Saïed
La présidence de la République a publié une vidéo de 2.05 minutes représentant la visite inopinée de Saied à l’entreprise de matériaux de construction à Fouchena.
En analysant le langage non verbal de Kais Saïed et en essayant de comprendre la signification de ses gestes , celui de l’enlèvement de bavette avec « force « et de la pointe du doigt sur l’employé ( de la minute 0.33 jusqu’à 0.43) et en direction de la caméra à la minute 1.35 ne peuvent que capter notre attention.
Dans le même contexte, le sémiologue a précisé qu’on « peut parler de trois éléments essentiels dans l’analyse du langage non verbal de Kais Saïed lors de cette visite: la colère, la menace et l’incitation à la force. En effet, lorsqu’il enlève sa bavette de cette manière on ne peut pas ne pas comprendre qu’il est nerveux. Bien qu’il y ait tout simplement des procédures judiciaires, le président agit avec incitation de force.
Le discours est spontané, voire même improvisé, car tout simplement le président n’est pas en train de regarder la caméra. Il ne ne regarde que les citoyens à qui il parle.
Il a ajouté : »Si on compare le discours de Kais Saïed avant et après le 25 Juillet, on ne peut pas nier qu’il y a un grand changement. Avant, le président était froid et parlait d’une façon très formelle. Lors de ses derniers discours, on, sent qu’il veut montrer qu’il est plus proche du peuple et qu’il n y a pas de relation hiérarchique entre le président et les Tunisiens. Autrement dit, il veut donner l’impression qu’il fait partie du peuple. Mais la musique d’intro des vidéos de Kais Saïed doit être changée, selon mon point de vue car il y a un contraste entre la musique de Piano utilisée douce et calme et le contenu qui porte sur la menace principalement. »
Entre ceux qui pensent que le discours de Saied est improvisé et ceux qui pensent qu’il est étudié, entre ceux qui voient qu’il y a un changement radical et ceux qui croient qu’il a juste changé de degré, notre analyse s’est basée. Une analyse qui a traité à la fois le langage verbal et non verbal. Mais il est à mentionner que , pour mieux comprendre le « nouveau » discours de Saïed, on doit attendre les prochains pas et déclarations du président.