Home Actualité L’armée tunisienne, une parenthèse ou une métamorphose ?

L’armée tunisienne, une parenthèse ou une métamorphose ?

De plus en plus en vue depuis le coup d’état du 25 juillet 2021 la grande muette tunisienne et son rôle interpelle, une chose est sure un changement est évident. L’armée qui a été marginalisée tout au long de son histoire, on dit que le président Bourguiba a toujours été méfiant des militaires surtout après la tentative de coup d’état de 1962 d’ailleurs la première nomination d’un militaire en occurrence Z.Ben Ali comme chef de gouvernement a été fatale pour son regne.

Par : maître Brahim Belghith

Même si le coup d’état médicale du 7 novembre 1987est assuré plutôt par les forces du ministère de l’intérieur et la garde nationale, le président Ben Ali se méfiait aussi de l’armée ou il a procédé à une purge connue sous l’affaire de Barreket  Essehel .

 Malgré un rôle essentiel de l’armée dans la préservation du régime comme ce fut le cas notamment dans les émeutes de janvier 1978 et les émeutes du pain de 1984 ou elle a maté et massacré les manifestants. Le service militaire forcé pour les étudiants dissidents était aussi une autre contribution de l’armée tunisienne au maintien de la dictature.

A la fin de l’ère de Ben Ali, l’armée semblait ne pas appartenir aux appareils sécuritaires sévissant pour mater tous qui osaient défier le pouvoir de Ben Ali comme c’était le cas des évènements du bassin minier en 2008 mais surtout les évènements de la révolution de 2011 ou le peuple tunisien a retenu une image idéale de cette armée républicaine qui n’a pas fait le choix de soutenir le dictateur sans pour autant s’emparer du pouvoir. L’armée est l’une des héros de la révolution du moins, c’est l’image qu’on s’est fait,  d’ailleurs le rapport final de la justice transitionnelle aborde la complicité de l’armée à fleurets mouchetés et ne s’attardait pas sur son rôle dans les violations des droits de l’homme comme il l’a fait pour les agents du ministère de l’intérieur.

Cette aura glorieuse et patriote de l’armée va vite se dissiper avec la complicité manifeste de l’armée dans le coup d’état du 25 juillet 2021 la scène de ce chare militaire fermant l’accès du siège de l’assemblée des représentants des peuples et des soldats qui le bloquent fait preuve qu’entre la constitution et le président de la République l’armée a fait son choix.

L’armée tunisienne est redevenue une armée arabe et africaine comme c’est la norme dans les pays voisins notamment en Egypte qui est soupçonnée d’appuyer Kais Said dans son coup d’état et l’Algérie dont Kais Said est devenu le vassal mais aussi la majorité du monde arabe ou les armées sont des gardiens du pouvoir s’ils ne sont pas en même temps les gardes-frontières pour les pays étrangers.

L’armée n’a jamais été aussi impliqué à la politique d’ailleurs le régime de Kais Said ne saurait tenir sans l’appui de l’armée malgré quelques frictions dont les informations ne sont bien sûr pas publié officiellement mais des présomptions évidentes peuvent prouver  la véracité de ses différents comme le discours de Kais  Said l’été 2024 ou il insinuent qu’il y a des parties dans l’état qui sont au services de l’étranger des rumeurs vont même jusqu’à prétendre que Kais  Said a voulu effectué un remaniement pour les plus hauts gradés de l’armée ce qui a envenimé la relation. Le courage exceptionnel dont a fait preuve le tribunal administratif sans pour autant que ces membres ne soient inquiétés pour leurs décisions dans le contentieux de candidature dans les présidentielles peuvent s’expliquer par ce bras de fer qui aurait été engagé. Une médiation algérienne aurait calmé le jeu pour que Kais Said préserve le pouvoir avec les violations des droits électoraux qu’a connu ces élections sans toucher aux généraux de l’armée.

Le partenariat entre Kais Said et l’armée se traduit aussi dans le fait que l’ancien premier ministre Kamel Madouri et l’actuelle première ministre Sara Zaafrani on fait l’académie politique de l’armée. Le régime en place Kais Said le premier n’est pas avare de discours élogieux envers l’armée et il appelle même à ce qu’elle soit auto financée, sa propagande médiatique fait passer une simple restauration de la piscine extérieure du Belvédère à Tunis comme une prouesse technique historique.

Cette tendance à impliquer les militaires dans la vie civile ne date pas de l’ère de Kais Said car l’armée tunisienne a été toujours sollicité pour contribuer au développement ou à d’autre action extramilitaire mais dernièrement le président Said présente la supervision de l’armée des projets civils comme la solution ultime la plus efficace.

Par ailleurs on a confié à l’armée les avoirs et les prérogatives de l’office de développement du sud et du Sahara résolu par le décret 247/2025 du 8 mai 2025 au profit de l’office de développement de Regime Maatoug qui sous la tutelle du ministère du défense et que le dit décret l’a rebaptisé « Office de Regime Maatoug pour le développement du sud et du Sahara ».

L’armée tunisienne a eu l’approbation du congrès américains pour acheter des missiles Javelots ce qui pose plus d’une question pour ce qui serait programmé sur le plan régional et le rôle de l’armée tunisienne et contre qui ces armes sophistiquées seront utilisé.

Autre nouveauté la restauration du service militaire obligatoire pour les jeunes tunisiens.

Si tous ces éléments peuvent paraitre plus ou moins normales voir banales le contexte régional instable et le contexte national imprévisible fait du rôle politique de l’armée tunisienne plus que jamais fondamentale.

En effet à part le fait que l’armée est la seule institution capable de s’emparer du pouvoir par la force, l’article 109 de la constitution de 2022 dispose : « En cas de vacance de la Présidence de la République pour cause de décès, de démission, d’empêchement absolu ou pour toute autre cause, le Président de la Cour constitutionnelle est alors immédiatement investi provisoirement des fonctions de Président de l’Etat pour une période allant de quarante-cinq jours au moins à quatre-vingt-dix jours au plus. » hors la  cour  Constitutionnelle n’est pas constituée et renvoyée aux calendes grecs même  c’est-à-dire si un empêchement absolu survient , un événement très probable objectivement vue la santé et l’âge de Kais  Said , l’armée sera l’arbitre.

En ce cas l’armée qui prétend être légaliste va elle se décider à franchir le Rubicon et s’emparer du pouvoir pour une métamorphose et un nouveau régime semblable à celui algérien ou égyptien les deux sources d’inspirations apparente de l’armée ces dernières années ou sera-t-elle tentée de contrôler le pouvoir derrière le rideau comme cela fut le cas avant du régime turque.

Un troisième scénario serait que l’armée renoue avec son rôle patriotique et légaliste de rempart pour la démocratie et appuie la résurrection d’une nouvelle période de transition démocratique plus mure et plus efficace cette fois malgré la désertification de l’espace public orchestrée méthodologiquement par Kais Said qui sera juste  une parenthèse ou une exception.

Il faut avouer que les éléments de réponses pour ces questions sont assez difficiles à déceler vue la nature de l’institution militaire et l’opacité du processus de sa prise de décision d’ailleurs on n’a pas un commandant des armées mais un conseil supérieur. Il ne faut pas oublier aussi que l’armée tunisienne n’a ni les traditions ni les moyens de gouverner ou de contrôler l’économie ni même la vie publique prosaïquement comme c’est le cas pour l’armée algérienne et égyptienne. La vulnérabilité financière serait aussi un obstacle de taille pour cette armée qui dépend de l’aide étrangère notamment américaine qui ne serait logiquement pas sans incidence sur la prise de décisions des généraux de l’armée qui pourra opter pour le troisième scénario sous l’impulsion étrangère même si elle va s’attirer les foudres des régimes arabes notamment les militaires algériens donc nos hédonistes verts auront besoin de plus d’un feu vert pour quitter leur position panoptique et renouer avec leur glorifiante renommée de garant de la transition démocratique et rompre avec ce terne ignominieux statut de putschistes…patience dans l’azure.

  • Avocat tunisien résident en France et conseiller juridique
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