On se rend compte parfois qu’on est en présence de gens incultes et barbares quand on ose insulter sa propre histoire ! Vandalisée, tel fut le cas, en effet, de la statue d’Ibn Khaldoun qui trône majestueusement, depuis 1978 à l’avenue Habib Bourguiba à Tunis. Heureusement qu’elle a été restaurée dans la soirée d’hier.
Les faits se sont produits hier, en plein centre-ville, quand des manifestants ont investi l’artère principale de la capitale pour réclamer la libération des jeunes condamnés à l’emprisonnement lors des mouvements de protestation des dernières semaines. La manifestation a été menée en fait par trois partis politiques notamment Echâab, Attayar et El Watad, venus soutenir les revendications populaires et réclamer leurs droits.
Mais de quel droit se revendique-t-on quand on ose toucher à l’histoire, non seulement de la Tunisie mais de l’humanité toute entière ! Certains diront que la jeune génération qui se révolte au nom de la liberté d’expression et qui a, en effet, commis ces actes, ne connaissent pas ou pas assez l’histoire de la Tunisie.
Pour ceux qui l’ignorent, Ibn Khaldoun est l’un des premiers théoriciens de l’histoire des civilisations. Historien, philosophe, diplomate, homme politique et père fondateur de la sociologie, il a élevé l’observation de l’histoire et des sociétés humaines au rang de science. Ibn Khaldoun a aussi écrit plusieurs œuvres qui ont marqué l’histoire tel que « Le livre des exemples » et « Les Prolégomènes » (la fameuse « al-Muqqaddima »).
La vandalisation de la statue a été commise en y inscrivant des tags, ce qui a suscité l’indignation de nombreux citoyens et internautes. Les réactions ont été nombreuses. Plusieurs personnes estiment qu’il est légitime pour ces jeunes d’exprimer leurs revendications de cette manière. Aux yeux d’autres personnes, ces actes sont « scandaleux » et « honteux » surtout qu’ils ont franchi la ligne rouge en s’en prenant à une illustre figure de notre passé. Selon eux, ces faits traduisent une agression à l’encontre des symboles de notre passé.
Regards croisés
Dans ce contexte, le sociologue Mohamed Jouili s’est exprimé. Il a déclaré au journal du dimanche (JDD) que ce phénomène des tags et de l’utilisation de bombes de peinture a fait irruption récemment à travers le monde dans des protestations de jeunes furieux contre un Etat qui fait la sourde oreille à leurs revendications.
Il a ajouté que le coût de la rénovation de la place d’Ibn Khaldoun (estimé à 140 mille dinars selon les autorités), était la goutte qui a fait déborder le vase aux yeux de ces jeunes chômeurs et marginalisés. D’autant plus qu’ils ne voient guère de projets pareils dans leurs quartiers populaires.
De son côté le graffitiste Hedi B. a souligné dans une déclaration à JDD, que le graffiti est souvent utilisé pour transmettre des messages politiques et sociaux. Dès son apparition, il a été décrit comme une expression de vandalisme.
Il a fait valoir que cet art a commencé à s’adresser aux peuples depuis son apparition aux États-Unis d’Amérique dans les années 80 du XXe siècle pour devenir courant en Tunisie, surtout après 2011.
Il a ajouté que le graffiti est une culture visuelle qui s’adresse à la conscience sociale et politique, et que les dessins sur les murs relatent des événements, racontent des histoires et des situations réelles. « Cet art peut provoquer un choc pour les Tunisiens qui le considèrent subversif. Mais c’est en effet l’art de la rébellion », réclame-t-il
Restauration immédiate
La municipalité de Tunis et plusieurs citoyens, qui se sont portés volontaires, ont restauré dans la nuit du samedi à dimanche la statue d’Ibn Khaldoun en la nettoyant de toutes les souillures.
Il est à noter que plusieurs statues à travers le monde ont été vandalisées l’année dernière. Citons comme exemple, la statue de Charles de Gaulle en France.
Linda Megdiche