Par Soufiane Ben Farhat
Le sommeil de la raison engendre des monstres. Et Rached Ghannouchi, président d’Ennahdha et président du Parlement gelé semble piquer tête en avant dans la surenchère belliciste. En effet, dans une séquence vidéo partagée hier dans un anglais plutôt bégayant et approximatif, il joue sur le registre des vieilles peurs en vue de mendier quelque soutien européen. A l’en croire, les mesures d’exception prises par le président Kaïs Saïed menacent de faire sombrer toute la Méditerranée et l’Europe dans le terrorisme et le chaos. Il a même fait agiter le spectre de 500 mille migrants clandestins tunisiens qui débarqueraient incessamment sur les côtes italiennes. La presse italienne s’en est emparée et a relayé les assertions tendancieuses sur fond de sinistrose.
Sur les traces d’Erdogan
En fait, maîtres et complices agissent toujours selon le même modus operandi. A fortiori quand il s’agit de la confrérie des Frères musulmans. Souvenons-nous. Début 2020, enlisée alors à Idleb au nord de la Syrie, la Turquie avait vainement quémandé l’appui européen. C’est alors qu’Erdogan a agité le 2 mars la menace de l’arrivée de « millions » de migrants en Europe après l’ouverture de ses frontières. De son côté, l’Europe avait dénoncé un « chantage inacceptable » sur le dos des migrants. En fait, la Turquie avait ouvert trois jours auparavant ses frontières avec l’Europe. Du coup, plusieurs milliers de personnes s’étaient ruées vers la Grèce. Apeurée et légitimement préoccupée, l’Europe avait redouté une crise migratoire semblable à celle de 2015.
Menaces à peine voilées
Dans sa vidéo, Rached Ghannouchi a même menacé de déstabilisation l’Algérie, la Libye, la France, l’Italie, nommément désignées, ainsi que toute l’Europe et le bassin méditerranéen. Évidemment, il s’agit de menaces à peine voilées, dites de surcroît sur un ton caverneux avec un faciès décomposé.
Encore une fois, la crise officie comme un exercice spontané de « bas les masques ». Rached Ghannouchi n’en est guère à ses premières menaces. Depuis l’annonce des mesures d’exception le dimanche 25 juillet, il multiplie les surenchères. En effet, ses déclarations à l’emporte-pièce se succèdent. Autrement dit, ou on rétablit Rached Ghannouchi sur son trône de l’arbitraire et de la concussion ou il met le feu aux poudres.
La levée de son immunité parlementaire étant consommée depuis la publication du décret présidentiel du vendredi dernier, l’on se demande pourquoi le ministère public ne se saisit pas de l’affaire des dangereuses et tendancieuses déclarations menaçantes de Rached Ghannouchi. En fait, elles menacent l’ordre public et la paix civile. Il y a un clair appel à la sédition et à la guerre civile.
Délires et confusion
L’homme va mal, cela saute aux yeux des aveugles. Devant le Parlement dans la nuit de dimanche à lundi dernier, il avait vainement appelé à la mobilisation de ses troupes en vue de prendre d’assaut l’Assemblée. Bien qu’il ait, de son propre aveu, réclamé 50 mille partisans, il n’eut droit qu’à une trentaine de séides désespérés. Isolé et abandonné même par les bases de son mouvement, il pique dans les délires et la confusion.
Aujourd’hui, il agite les spectres des vieilles peurs. Il parle même de terrorisme ce qui, dans le langage codé de Frères musulmans, constitue un appel au meurtre et au passage à l’acte.
Considérations crapuleuses
Toutefois, les rangs du parti Ennahdha semblent craquer. Ils sont dans l’impasse. Rached Ghannouchi a beau défendre les privilèges de son cercle rapproché, le ver est déjà dans le fruit. En effet, à brève échéance, Ennahdha consommera son implosion interne. Rien ne sera plus comme avant. Déjà, depuis une année et demie des dissensions cruelles ont vu le jour en son sein. Des considérations plutôt crapuleuses sur la gestion de la cagnotte et du butin de guerre y président. Les membres de la famille de Rached Ghannouchi y ont été désignés du doigt comme les vrais détenteurs du pactole. Et ils en semblent particulièrement jaloux.
Finalement, on saisit un des côtés sombres et non-dits de cette pathologique tendance de Rached Ghannouchi à menacer de terrorisme et de chaos à tour de bras. Seulement, cela s’inscrit en porte-à-faux des intérêts supérieurs de la Tunisie et des fondamentaux de sa politique extérieure.