Par Soufiane Ben Farhat
La vie politique repose, en très grande partie, sur les partis politiques. En effet, c’est une espèce de mal nécessaire. Mais les véritables partis sont ceux qui savent demeurer structurés entre deux échéances électorales.
Sous nos cieux, c’est tout à fait le contraire. A quelque rare exception près, en l’occurrence le Parti Destourien Libre (PDL), tous les partis de la place subissent les affres des divisions et des dissidences.
Le démon des Numides
Evidemment, dans la précipitation de l’euphorie populaire au lendemain immédiat de la révolution de 2011, des centaines de partis politiques ont vu le jour. Nous en avons près de 230 aujourd’hui, dont deux-cents et des poussières totalement absents. Toutefois, les principaux partis de la place s’effritent à vue d’œil.
En fait, les divisions, dissensions et émiettements semblent être le lot quotidien des partis de la place. C’est le fameux démon des Numides. Ainsi en est-il des trois partis majoritaires à l’issue des élections législatives et présidentielle de 2014. Nida Tounes, Ennahdha et le Front populaire se sont effrités en deux temps et trois mouvements. Ils en ont subi les amers contrecoups lors des élections ultérieures. Nida Tounes à lui seul s’est scindé en pas moins de huit partis. Le Front populaire a tout simplement disparu. Quant au mouvement Ennahdha, il ne cesse d’étaler son linge sale sur la place publique.
Qalb Tounes, bienvenue au club
A l’issue des législatives et présidentielle de 2019, rebelote. Ainsi en est-il de Qalb Tounes qui, avec la démission annoncée hier de Yadh Elloumi, totalise sa treizième démission en moins d’une année et demie. Soit le tiers de ses élus au Parlement. D’ailleurs, tous les démissionnaires sont des élus parlementaires. Bienvenue au club.
Ennahdha n’est guère en reste. Des dirigeants du premier cercle s’étripent depuis plus d’une année sur la place publique. Ils s’accordent pour s’en prendre à la gestion familiale brumeuse et financièrement douteuse et coupable, à les en croire, de l’entourage immédiat de Rached Ghannouchi, président du parti et président du Parlement. En fait, il s’agit principalement de ses deux fils, de sa fille et de son gendre. Des figures de premier rang s’y mettent mordicus pour les dénoncer. Tel Mohamed Ben Salem, Abdellatif Mekki, Abdulhamid Jelassi ou Imed Hammami.
En fait, il semble bien que les considérations financières l’emportent sur tout autre postulat chez lesdits frères musulmans. Service service, frérot après.
Partis vieux, misogynes et isolés
La principale tare des partis politiques de la place tient à leur nature et à leur mode de gouvernance. En effet, la plupart d’entre eux sont des partis de vieux, d’hommes en grande majorité et sans relais importants avec les organisations nationales, les syndicats et la société civile. Par ailleurs, leurs dirigeants semblent voués à les diriger à vie. Les dictateurs, ce n’est guère l’apanage des seuls pouvoirs étatiques.
Jusqu’ici, seul le PDL tranche net avec les autres. Il est soudé et dirigé plutôt à la hussarde par une jeune femme, Mme Abir Moussi. N’empêche, le PDL entretient des rapports conflictuels et en dents de scie avec les organisations de masse et la société civile. Euphorique pour l’instant, il pourrait bien s’en mordre les doigts dans un futur proche. Parce que, précisément, les élections sont loin de traduire fidèlement les sondages des intentions de vote. Tout se joue en partie dans la dernière ligne droite, lors des six derniers mois précédant les élections, toutes les élections.
Il n’est pire sourd que celui qui ne veut rien entendre
Finalement, le topo est plutôt maussade. Si la vie politique est estropiée sous nos cieux, c’est parce qu’elle est régie par des infirmes et des nains politiques. Ils perdent sans appel dans le registre de la légitimité. Les rapports politiques intra-muros sont étouffants, rigides, fondés sur la peur et l’hypocrisie. Qui oserait critiquer le chef, si minus et notoirement faible et minable soit-il ?
Et tout ce beau monde se prétend démocrate ! Comme toujours, on nous propose (impose) de choisir entre un candidat dictatorial et un totalitaire libertaire. Triste dilemme.
S.B. F