Par : Kamel Zaiem
Au moment d’entamer la phase cruciale de l’après 25 juillet 2021, on s’amuse encore à user des chiffres improbables et à en faire une matière de polémique et d’accusations réciproques.
De quelle erreur humaine parle-t-on ?
A entendre parler Walid Hajjem, le conseiller auprès de la présidence de la République, les violences policières survenues mercredi dernier lors d’une manifestation revendiquant de lever le voile sur les assassinats politiques de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi n’étaient pas du tout intentionnelles et il s’agissait, tout simplement, d’une erreur humaine.
Pour quelqu’un qui occupe le poste d’un haut fonctionnaire du palais de Carthage, l’éloquence est primordiale pour convaincre et pour préserver une certaine crédibilité. Parler d’erreur humaine lors de l’usage d’une matraque ou le jet d’une bombe lacrymogène est insensé car il s’agit d’actes concrets et volontaires après avoir reçu des recommandations et des ordres officiels de la part des hauts responsables de sécurité.
Par contre, Hajjem aurait bien fait s’il avait usé du même terme, celui de l’erreur humaine, en parlant de certaines déclarations et affirmations de la part de Kaïs Saïed, le président de la République.
Dérapages évitables
M. le Président est un éminent spécialiste de droit constitutionnel et un professeur universitaire compétent, mais lorsqu’il s’agit de speech destiné à l’opinion publique, certaines connaissances sont plus que nécessaires pour bien réussir à faire passer le message et à convaincre ses auditeurs.
Malheureusement, Saïed ne semble pas bien maîtriser les chiffres et il est de plus en plus évident qu’il ne porte pas les mathématiques dans son cœur et je peux l’affirmer en tant que camarade de classe en section Lettres au lycée Ibn Charaf.
Et si avoir l’esprit peu matheux ne fait pas de mal pour ceux qui brillent dans d’autres domaines et sciences, certains dérapages de calcul sont difficilement digérables.
Parfois, un seul zéro inscrit à droite pourrait fausser la réalité et provoquer un scandale. Que dire alors lorsqu’on confond entre millions et milliards et lorsque ça vient d’un président de la République dans une déclaration hautement importante qui engage d’autres personnes et qui comporte de très graves accusations. Car, logiquement, on ne peut croire aux chiffres cités dans l’affaire de ce fameux avocat et ex-ministredont la fortune, gagnée de manière détournée, s’élève à 1500 milliards, soit un chiffre qui flirte avec ceux du budget de l’Etat. Et comme l’ont affirmé plusieurs experts économiques, il est impossible qu’une seule personne puisse détourner 1,5 milliard de dinars, sans attirer l’attention des pouvoirs publics et des principaux acteurs économiques du pays.
L’anecdote de trop
Là, il peut s’agir d’une erreur humaine dans la maîtrise des données et des calculs mathématiques même si, même pour un très haut dirigeant, de telles erreurs ne sont pas acceptables d’autant plus qu’il s’agit de montants détournés ou dérobés.
Et si Walid Hajjem a évité de commenter ce dérapage chiffré, ce sont les adversaires de Kaïs Saïed qui en ont profité pour en faire une anecdote qui illustre le manque de perspicacité du Président. Car, ses ennemis l’attendent à tous les tournants, animés d’un esprit de vengeance qui sied bien à leur réputation de loups affamés prêts à tout dévorer dans leur quête du pouvoir et de l’argent.
Eh oui, à cause d’une mauvaise lecture de chiffres, on incite à oublier l’essentiel, c’est-à-dire ces ordurières manœuvres de corruption pour parler de gags et de commentaires malins et réducteurs relayés par des médias connus pour leur soutien aux anciens patrons du pouvoir au Parlement, à commencer par Ennahdha.
Du soutien pour gagner la guerre déclarée
Du coup, des radios « respectées » consacrent des heures de discussions sur leurs plateaux pour faire du Président et de ses déclarations la risée de leurs auditeurs. D’autant plus qu’ils sont payés pour ça et leurs shows, à midi et en d’autres temps, font de cette guerre contre Saïed leur sport favori et leur dernier espoir pour espérer sauver les islamistes et leur permettre de retrouver le sommet du pouvoir.
Or, même avec de telles gaffes indignes d’une équipe présidentielle qui se veut professionnelle et percutante, les citoyens ne peuvent retenir, en fin de compte que l’essentiel : le pays a été pillé de long en large durant ces dernières années et le moment de rendre des comptes a sonné.
Que Saïed balbutie dans la lecture des chiffres ne doit nullement détourner l’attention de ce qui est beaucoup plus important, c’est-à-dire la guerre contre la corruption. Et pour la remporter, le président de la République a besoin du soutien de tout un peuple pour neutraliser ces bandes et ces mafias introduites partout dans les rouages de l’Etat.
C’est dire que Saïed ne doit point se sentir seul dans ce pénible combat et que toutes les composantes de la société civile se doivent de le soutenir au moment où il a pris tous les risques pour aller au bout de ses intentions, comme il ne cesse de le clamer haut et fort depuis son élection.