Par Soufiane Ben Farhat

L’affaire est passée inaperçue. Une tunisienne de 55 ans est morte défenestrée du deuxième étage il y a deux jours à Agrigente en Sicile, au sud de l’Italie. En fait, selon les bribes d’informations publiées par la presse sicilienne, la femme se serait suicidée de nuit. Elle séjournait dans les services d’hygiène du centre pour migrants baptisé « La grande famille » à Casteltermini. Secourue par une ambulance qui l’a transportée aux services d’urgence de l’hôpital San Giovanni di Dio à Agrigente, elle y est arrivée déjà morte. On rapporte que les carabiniers de Casteltermini et Cammarata, ainsi que la police scientifique ont enquêté sur le terrain pendant la nuit. Verdict : la femme était une dépressive.

En réalité, l’argument est récurrent dans ce genre de situations. En effet, on le cite souvent à propos des suicidés dans les centres de détention de migrants en Italie. Hélas, si souvent qu’il est devenu banal et non convaincant.

Migration en hausse

En fait, le Forum tunisiens des Droits économiques et sociaux (Ftdes) a publié des chiffres alarmants il y a peu. En plein hiver, la migration clandestine de la Tunisie vers l’Italie s’est amplifiée. Ainsi, du 1er janvier au 23 février 2021, 558 migrants au moins ont rejoint les côtes italiennes, contre 94 au cours de la même période l’année précédente et 31 en 2019.

Selon M. Romdhane Ben Amor, chargé de l’information au Ftdes, cette recrudescence inédite est due aux conditions économiques et sociales dégradées. Il y joint l’irruption massive des mouvements protestataires au cours de la même période (plus de 1400).

Mise en échec et arrestations

Les chiffres sont effarants. En effet, soixante-cinq voyages clandestins ont été mis en échec du 1er janvier au 23 février 2021 contre 47 pour la même période en 2020 et 12 en 2019. Quant aux voyageurs clandestins arrêtés, leur nombre s’est élevé à 1.051 du 1er janvier au 23 février. En fait, 20% d’entre eux sont de sexe féminin et 4,32% des mineurs. 58% d’entre eux sont des Tunisiens. En 2020 et 2019, et au cours de la même période, les arrestations ôtaient englobé respectivement 887 et 223 voyageurs clandestins.

Leurs voyages clandestins s’effectuent essentiellement à partir des zones côtières de Sfax, Mahdia, Tunis et Nabeul. Ils engagent des familles entières désormais.

Solutions musclées et traitements dégradants

Comme tout malheur, la pandémie du Covid 19 n’arrive pas seule. Les confinements successifs aidant, elle se traduit par l’amplification du chômage et la paupérisation de larges franges populaires et de la classe moyenne. Les investissements tarissent eux aussi. Il en résulte une amplification des mouvements sociaux protestataires et des ruptures de ban obligées ou volontaires.

L’Agence Frontex, une armée en bonne et due forme

Du coup, les flux des migrations clandestines s’amplifient. L’Europe, érigée en forteresse, est de plus en plus cadenassée. En fait, elle devient de plus en plus frileuse et repliée sur elle-même. Sa seule réponse, c’est l’endiguement des flux migratoires. Vaille que vaille. Pour cela, elle sollicite les États du Sud de la Méditerranée, appelés à jouer les gendarmes et le gardes-chiourme aux avant-postes de la forteresse Europe.

Pis, les conditions de détention des migrants clandestins empirent en Europe et plus particulièrement en Italie. L’Union européenne a créé, en 2016, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, appelée Frontex. Sa mission consiste à contrôler et gérer les frontières extérieures de l’espace Schengen. En fait, elle s’apparente à une armée en bonne et due forme, aux méthodes expéditives le plus souvent. Le gouvernement israélien l’a dotée il y a peu d’armes particulièrement sophistiquées et meurtrières.

Il y a quelques mois, des bateaux des garde-côtes italiens avaient tiré plus de cinq cents balles sur un petit bateau de pêcheurs tunisiens qui s’était hasardé aux abords des mers territoriales italiennes. Même les commandos de Daech n’avaient jamais subi un pareil acharnement.

En fait, les hommes politiques tiennent des discours grandiloquents. Mais les malheurs des petites gens sont l’acte muet de la politique.

S.B.F.