Par : Kamel Zaiem

Trois jours après le coup de force de Kaïs Saïed, la Tunisie vit des moments d’attente qui risquent de s’étaler sur la durée en l’absence d’une suite logique et rapide de décisions pour entamer de façon plus évidente et plus efficace une nouvelle ère avec de nouveaux principes de gouvernance.

Les citoyens, engagés aux côtés de leur président, craignent tout relâchement face à des adversaires qui veulent laisser vite passer la tempête pour réagir et reprendre du poil de la bête.

Des interrogations légitimes

Du coup, on se met à s’interroger sur les raisons de ce ralentissement dans l’exécution des décisions initialement prises par le président de la République. Pis encore, certains évoquent de l’hésitation, du côté de Saïed, à aller au bout de ses intentions. Le fait commence à inquiéter car toute attente excessive ou hésitation à ce stade ne peut pas être vue d’un bon œil et laisse le champ libre aux différentes  interprétations.

Pourtant, le président de la République était bien lancé dans son initiative. Certes, les interprétations se suivent et ne se ressemblent pas quant à la mise en exécution de l’article 80 de la Constitution, mais Saïed dispose de l’essentiel : son peuple est largement partisan de ce coup de force devenu nécessaire et vital pour sauver le pays et chasser une classe politique pourrie qui a plongé la Tunisie dans la misère et le chaos qui faisait leur affaire pour demeurer à la tête du pouvoir, profiter de toutes les formes de corruption et disposer d’une éternelle impunité.

Les Tunisiens, finalement soulagés par cette énergique réaction de leur président, connu pour son intégrité, sa droiture et sa « propreté », ne veulent pas voir leur leader, qu’ils ont élu en 2019 par une écrasante majorité, hésiter, tergiverser ou marquer un coup d’arrêt qui pourrait tout remettre en question.

Le timing est primordial

Dès lors, ils s’attendent à des décisions spectaculaires, édifiantes et rapides pour se rassurer. Saïed a promis de veiller personnellement à mettre en exécution ses promesses et a repris en main les rênes du pouvoir. Qu’attend-il alors pour passer à l’action ? Dans de telles situations, le timing est primordial et pour le président de la République, l’heure est à l’action, à tous les niveaux.

Primo, il ne faut pas trop trainer pour désigner un nouveau chef de gouvernement. Aussi bien en Tunisie qu’à l’étranger, une telle nomination ne peut que rassurer et donner une meilleure image de cette offensive présidentielle. La logique veut que le nom du successeur de Hichem Mechichi soit déjà prêt au moment de l’annonce de cette initiative, le 25 juillet, et il est grandement temps pour dévoiler l’identité de la personne que tous les Tunisiens attendent pour mieux juger la pertinence et les desseins de Saïed à travers ce futur patron du gouvernement qui aura un rôle très important à jouer même s’il ne disposera pas d’une totale liberté de manœuvre.

De même, les Tunisiens s’impatientent de voir certaines têtes traduites devant la justice et rendre des comptes. Saïed parlait de toute une bande de corrompus au sein du Parlement et de la sphère politique qui l’entoure et il ne doit pas trop s’attarder pour les traduire devant la justice tout en leur permettant de jouir de tous leurs droits comme le stipule la loi.

Agir et rassurer

En ces jours très importants pour le pays, la démarche se doit d’être rapide, claire et efficace. L’heure est à l’action et à la satisfaction des aspirations des citoyens qui tiennent à voir les choses avancer plus rapidement et à se rassurer au moment où leur pays vit un tournant historique pour son avenir.

Certes, il y a eu des décisions pour limoger de hauts responsables dans certaines directions et rouages des ministères plus touchés que d’autres par la corruption et l’implication dans le mécanisme de la corruption, mais le plus important est encore à venir car les têtes pensantes du mal qui a gangrené le pays demeurent encore libres d’action et toujours aussi dangereux malgré l’étau qui commence à réduire leur champ de manœuvre.

Verra-t-on Saïed se reprendre et se ressaisir dans les heures qui viennent pour annoncer des mesures plus marquantes et plus incisives ? Les Tunisiens, toujours incertains sur le sort de leur pays, le souhaitent de tout cœur pour se débarrasser définitivement de ces traitres et ces barons de la corruption et de la malversation. C’est seulement à ce prix qu’ils vont pouvoir entamer une nouvelle ère plus propre et plus prometteuse et affronter avec espoir et détermination les défis actuels qui consistent à mieux gérer la crise sanitaire face à une pandémie de plus en plus meurtrière et à assurer une propre et juste gouvernance qui redonnent leurs valeurs au travail, à la compétence, à la justice sociale et à l’intégrité.

De même, l’accélération de la mise en exécution des mesures annoncées éviterait tout vide qui pourrait en résulter et contribuera à rassurer l’opinion internationale qui demeure, jusque-là, dans une position d’attente.

K.Z.