Par : Kamel Zaiem
De Carthage au Connecticut, le message est bien passé et il est net et sans bavure. Les Américains savent à présent à quoi s’en tenir.
Appelés par Ennahdha et son réseau américain dirigé par le mystérieux Radhwan Masmoudi, un islamiste basé à Washington pour protéger les intérêts des Ikhwans, les Américains n’ont pas tardé à intervenir pour essayer de sauver leurs amis nahdhaouis qu’ils ont installés à la tête du pouvoir en 2011.
Les deux délégations américaines qui ont visité Kaïs Saïed depuis le coup du 25 juillet 2021 ne sont pas venus dans des visites de courtoisie ni pour faire du tourisme.
De la lucidité au bon moment
Et si la première délégation est venue prendre le pouls du nouveau maître de la situation et constater sur le terrain ce qui se passe réellement sans trop presser ou tenter d’imposer une ligne de conduite qui sied aux désirs du « gendarme » du monde, celle conduite par un certain Chris Murphy, un sénateur connu pour ses positions favorables aux islamistes, est venue avec d’autres desseins pour dissuader Saïed à se soumettre à leurs instructions comme si la Tunisie fait partie de leurs cinquante états.
Face au discours hautain et prétentieux de la délégation américaine et de son chef, le président de la République s’est montré, une fois n’est pas coutume, moins nerveux et plus lucide et a semblé dominer en long et en large les débats qui ont eu lieu au palais de Carthage samedi dernier.
C’est la revendication du peuple
Kaïs Saïed, sur la défensive avant de passer à l’attaque, s’est largement étalé sur son initiative du 25 juillet et sur le respect de la Constitution : « Ils parlent de coup d’Etat, sauf qu’ils ne comprennent rien à la loi et la déforment. Un coup d’Etat se fait en dehors du cadre constitutionnel alors que j’ai appliqué un texte de la constitution afin de préserver la Tunisie d’un danger imminent. Ils ont considéré l’Etat comme un butin, qu’on peut se jouer des institutions et affamer le peuple. Les morts se comptaient par centaines chaque jour. Les citoyens ne disposaient pas d’oxygène et d’un minimum d’équipements médicaux pour les sauver d’une mort certaine ». Sur sa lancée d’un professeur de droit constitutionnel qui donnait une leçon de base à ses étudiants, le chef de l’Etat, qui a rappelé à ses hôtes que cette rencontre va au moins servir à dissiper certaines rumeurs et fausses interprétations, a également évoqué la multiplication des manifestations et la revendication du peuple à une vie meilleure et à plus de dignité. « L’Etat commençait à s’effondrer parce qu’ils ont entrepris de le diviser et se sont accaparé tous les rouages. J’ai dû me saisir de la Constitution qui me permet de prendre des mesures exceptionnelles, dans le respect du texte et de ses dispositions, mais aussi de l’éthique ».
La fin d’un cauchemar
Saïed a semblé, lors de cette rencontre, avoir de la suite dans ses idées. Il s’est même permis de s’adresser à l’un des sénateurs présents pour lui signaler qu’il est féru de l’histoire des USA et il a enchaîné en citant un extrait de la constitution du Connecticut, l’Etat de son interlocuteur : « Le pouvoir politique revient au peuple. Tous les gouvernements libres ont pour assise le pouvoir du peuple… Et au peuple le droit de changer de gouvernement quand cela est nécessaire… ». Tout cela pour aboutir à l’essentiel et faire comprendre aux Américains que ce qui s’est passé n’a rien à voir avec un coup d’Etat : « Certains ont choisi, comme c’est de coutume, de s’adresser aux parties étrangères pour porter atteinte à l’image de leur pays et celle de leur Président. Ils payent des sommes d’argent pour faire du lobbying. J’appelle de ce fait nos amis américains à comprendre l’aspiration du peuple tunisien, de se rappeler comment les citoyens sont sortis en masse exprimer leur joie. Pour le peuple, c’était comme si un cauchemar prenait fin ».
Au moment où les ex-détenteurs du pouvoir au Parlement et dans tous les rouages de l’Etat espéraient voir Saïed se soumettre aux recommandations américaines, ce dernier a rappelé à ses invités comme à tout le monde que la Tunisie est un Etat souverain comme le dispose la Constitution et que cette souveraineté revient au peuple en premier lieu.
Contraste
Le président de la République a été l’auteur d’un show exceptionnel qui a fait la fierté des Tunisiens qui aiment réellement leur pays.
Sa prestation d’homme politique responsable et soucieux de servir les intérêts et la souveraineté de son pays contrastent avec celle des partis politiques qui ont accepté l’invitation de la délégation américaine pour débattre de la situation en Tunisie et de la nécessité de cette intervention américaine. Et si on comprend la présence des députés d’Ennahdha et Qalb Tounès, les principales victimes du 25 juillet, on ne peut que condamner celle des représentants d’autres partis (Tahya Tounès et la Réforme nationale) qui n’ont fait que confirmer leur réputation d’opportunistes alors que la majorité des composantes de la société civile, l’UGTT en tête, ont honorablement décliné cette invitation.