Par : Kamel Zaiem
Aussi rude et difficile que la situation sanitaire, le climat politique du pays ne cesse pas de passer d’une nuée à l’autre avec, en sus, des averses et des tempêtes. Pour y remédier, quelques tentatives de déblocage sont annoncées, mais serait-ce suffisant pour apaiser la faim d’une classe politique qui insiste à tout avoir et à tout diriger ?
Lotfi Zitoun, l’énigmatique ancien conseiller politique et personnel du cheikh Rached Ghannouchi, le leader d’Ennahdha, s’est transformé, ces derniers jours, en ambassadeur des bons offices pour rapprocher les points de vue entre les antagonistes de la scène politique, notamment ceux qui tiennent les rênes au Bardo, à Carthage et à La Kasbah.
Une initiative « indépendante »
Cet énième jeu d’intermédiaire a-t-il réellement une chance d’aboutir à une solution globale et acceptable pour toutes les parties concernées ? Zitoun, qui se considère, aujourd’hui, indépendant et ouvert à toutes les tendances, peut-il oser proposer ou imposer des solutions que son ancien patron ne souhaite pas ?
Il y a lieu de rappeler que Depuis des mois, la Tunisie vit une crise politique sur fond d’un remaniement ministériel opéré par le chef du gouvernement Hichem Mechichi en janvier 2021, et du refus du chef de l’Etat de recevoir les nouveaux ministres proposés pour la prestation de serment. Outre, le refus du président Saïed de promulguer la loi sur la Cour constitutionnelle après sa révision par le Parlement. De même, Saïed et Ghannouchi n’ont eu aucun entretien officiel depuis le mois de janvier 2021.
Sans minimiser cette initiative, nous voyons très mal nos acteurs politiques, tous avides de pouvoir et de liberté d’action, faire d’importantes concessions au point d’arriver à se sacrifier pour le compte de l’intérêt général du pays. D’ailleurs, les premières réactions du côté du palais de Carthage, suite à la rencontre entre Lotfi Zitoun et Kaïs Saïed, le président de la République, ne peut en rien augurer d’une future réussite pour cette initiative. Selon le communiqué de la présidence, relatif à cette rencontre, « elle a été l’occasion de lever certaines ambiguïtés, et de souligner, notamment, que le président de la République n’est pas là pour attester du patriotisme des personnes ou de leur non patriotisme. Le chef de l’Etat a indiqué dans plusieurs de ses rencontres que pour que le dialogue puisse être considéré comme national, il doit voir la participation des jeunes, de toutes les régions du pays ».
Le même discours
Ainsi, nous voilà déjà renvoyés aux positions initiales de Saïed qui tient à ses convictions et à ses conditions pour la mise en place d’un éventuel dialogue national.
Le lendemain, Lotfi Zitoun débarquait chez son ancien chef. La rencontre, devenue officielle, a eu lieu sous l’hémicycle du Bardo. Qu’en était-il et a-t-elle poussé la crise à sortir de l’impasse ?
Officiellement, nous n’avons eu droit qu’à une vague déclaration du président de l’ARP qui rappelle sa conviction que le dialogue et les consensus sont les seuls moyens pour résoudre les problèmes du pays. Je vous laisse admirer cet aveu dont a entendu les différentes versions depuis des années déjà. Zitoun était-il là, au Bardo, pour nous offrir un remake des déclarations classiques du cheikh, toujours adepte du double discours, celui de la réconciliation et de l’intérêt général en public, et celui du souci d’Ennahdha à préserver sa mainmise sur tout ce qui bouge sur la scène politique dans ses propos internes ?
Au royaume des promesses
Lotfi Zitoun, qui se retrouve sous les feux de la rampe avec ce rôle de médiateur qui lui sied très bien pour se remettre en valeur et pour accaparer de nouveau l’attention, n’a pas manqué de collaborer avec Noureddine Taboubi, le SG de la Centrale syndicale, qui a été le premier à jouer ce rôle entre Le Bardo et Carthage. Cette rencontre a été l’occasion pour exprimer l’inquiétude partagée par les deux hommes concernant la détérioration des conditions de vie des citoyens, la crise politique qui se poursuit et la rupture de l’initiative de dialogue national. Ils ont également affirmé leur détermination à continuer d’œuvrer pour rapprocher les différents points de vue et sortir le pays de la crise.
Au niveau des paroles et des promesses, nous ne pouvons qu’admirer le sens de responsabilité de ces médiateurs, mais connaissant l’insolence et l’entêtement de nos hommes politiques et l’absence d’une réelle volonté de mettre fin à la crise, nous pouvons oser rappeler que la route de l’enfer est pavée de bonnes intentions et que ce bal de médiations risque de nous valoir de nouvelles déceptions, à moins de voir encore plus de composantes de la société civile s’y mêler de manière plus sensible afin d’amener les gouvernants d’aujourd’hui à changer d’aptitude et de stratégie et à laisser la place à ceux qui veulent du bien à ce pays.