Par : Kamel Zaiem

La Tunisie se dirige-t-elle vers une faillite économique comme le prévoient certains experts ? Le choix d’aller demander un prêt auprès du FMI va-t-il soumettre le pays aux conditions « très douloureuses » imposées par ces bailleurs de fonds ? Existe-t-il encore de solutions pratiques et saines pour mettre fin à la crise économique et arrêter l’hémorragie ?

Les interrogations se succèdent mais les bonnes et convaincantes réponses tardent à parvenir en raison d’une politique économique avariée qui ne fait qu’enfler la crise et détériorer en continu une situation déjà chaotique.

C’est que nos gouvernants ont pris l’habitude d’agir en cavalier seul, sans concertation ni échange d’idées avec les éminents experts et les spécialistes reconnus en matière d’économie et finances.

En catimini

Pour preuve, la délégation tunisienne qui est partie discuter avec le FMI et qui a déjà entamé l’essentiel des négociations va se baser sur un dossier qui donne déjà le tournis à tout un peuple à cause des éventuelles conséquences qui s’annoncent plus désastreuses que douloureuses.

C’est que Ali Koôli et ses lieutenants dans le méga-ministère qu’on lui a offert ont tout planifié en catimini et on n’a découvert l’essentiel de leur programme proposé au FMI qu’une fois les négociations entamées.

Pourquoi Hichem Mechichi et ses hommes ont-ils opté pour la politique de la fuite en avant ? Pourquoi ont-ils négligé d’impliquer les hautes compétences en matière d’économie dans ce travail dont l’issue risque d’être compromettante pour tous les Tunisiens ?

On en a déjà parlé avant, mais on doit encore le rappeler : le contenu du dossier tunisien ne semble pas convaincre les connaisseurs ni les composantes essentielles de la société civile. L’économiste et ancien ministre des Finances, Hakim Ben Hammouda l’a déjà évoqué en parlant des propositions présentées au FMI il y a quelques jours : « Non, moi je n’y crois pas. Je pense que c’est un engagement qui a été pris par le gouvernement dans le document d’orientation qu’il a présenté, qui n’est pas un vrai programme pour 2 ou 3 ans. Ce qui manquait à ce gouvernement, au vu de la réaction des syndicats et en particulier de l’UGTT, c’est le manque de concertation. Le poids et les défis liés à la crise économique sont tellement importants qu’ils dépassent la capacité d’un gouvernement, assez faible pour les mettre en place ».

Une solution miracle « ignorée »

Et il n’y a pas que Ben Hammouda à crier sur les toits la nécessité de s’ouvrir sur les avis de toutes les parties concernées et de ne pas s’aventurer à chercher une porte de secours pour aujourd’hui pour se retrouver demain en pleine tempête. Un autre expert vient de secouer l’opinion publique à travers sa vision des choses pour mettre fin à l’hémorragie. Il s’agit de Ridha Chkondali, le Professeur universitaire, ex-conseiller au ministère du Développement régional et de la Planification qui vient de surprendre la sphère économique locale, voire même mondiale, par une nouvelle solution aux difficultés des finances publiques en Tunisie.

Selon l’étude présentée par Chkondali, la Tunisie serait en mesure de réduire sont endettement extérieur, lequel passerait de 16,7 milliards de dinars à environ 8,6 milliards de dinars en adoptant une nouvelle approche de gestion de son budget.

Cette étude est intitulée « Vers une nouvelle approche pour sécuriser les finances publiques et réduire le recours à l’endettement extérieure ». Son auteur considère que compte tenu de la difficulté d’obtenir cet important emprunt en devises auprès des institutions internationales et de la difficulté de sortir sur les marchés financiers internationaux, il est nécessaire de réexaminer la structure du budget de l’Etat. Laquelle dans sa forme actuelle ne permet pas de suivre les ressources financières internes et externes. A cet égard, il propose une autre approche. Cette approche assure un suivi transparent de l’utilisation des ressources de financement nécessaires.

L’approche proposée, selon cette étude, repose sur la restructuration du budget de l’Etat en quatre budgets distincts. L’objectif étant de garantir l’intégrité des finances publiques. Ainsi que d’éviter la faillite financière du pays même dans les périodes les plus difficiles de crise économique. Ces quatre budgets se composent d’un premier budget dédié aux salaires et aux subventions. En effet, les taxes sur la valeur ajoutée, les droits de consommation et autres impôts indirects financeront ce volet. Ce budget aboutira à un excédent financier. Cet excédent permettra de financer le deuxième budget relatif aux dépenses classées « autres dépenses ». Il s’agit des dépenses relatives au budget de fonctionnement et les dépenses d’urgence. Lesquelles sont financées en outre par les taxes douanières et les ressources de trésorerie.

Quant au troisième budget, il détermine, selon l’étude, le montant des dépenses de développement en fonction des ressources qui leur sont allouées. Il s’agit des impôts sur les sociétés, de bénéfice de participation, d’une part des fonds confisqués, les redevances sur le transit de pétrole et du gaz et autres ressources non fiscales.

Pour le quatrième budget qui fixe le plafond de la dette extérieure, Chkoundali appelle à exonérer l’Etat des intérêts sur les dettes intérieures pour l’année 2021. Et de les imputer aux bénéfices de la Banque centrale et des banques commerciales. D’autant plus que ces dernières ont largement bénéficié de la politique monétaire prudentielle et ont réalisé d’énormes bénéfices, au cours de ces dernières années. Ce qui a conduit au renforcement de qu’on appelle l’économie de rente.

Sans entrer davantage dans les détails, il s’agit d’une solution quasi miraculeuse pour inverser la tendance et permettre à l’économie tunisienne de s’oxygéner. Certes, ce professeur universitaire aurait mieux fait de présenter cette étude au moment de l’élaboration du budget 2021 ou même avant le départ de la délégation tunisienne à Washington pour discuter avec le FMI, mais force est de reconnaître que le gouvernement aurait pu compter sur de tels experts avant une aussi cruciale échéance. Or, comme c’est encore le cas dans la gestion de la crise sanitaire, Mechichi et son équipe s’entêtent toujours à agir sans aucune concertation, d’où cette succession logique d’échecs. Dommage…

K.Z