Par : Kamel Zaiem
Les Tunisiens vivront encore quelque temps dans l’exceptionnel. Les trente jours de mesures exceptionnelles que tolère la Constitution viennent de prendre fin. Et Kaïs Saïed ne semble pas se limiter à ce mois de répit puisqu’il vient d’annoncer le recours, sans crier gare et avec un remarquable sang froid, aux prolongations qui demeurent, toujours selon la même Constitution, non limitées dans le temps. Et même si cette option n’a pas surpris, elle suscite tout de même des interrogations et des craintes.
Un danger pour l’Etat
Ainsi, on s’attend à voir le Parlement ronronner encore pendant quelque temps et les observateurs avertis pensent qu’il s’agit, là, du coup de grâce pour une institution constitutionnelle qui a longtemps joué avec le feu avant de se brûler alors que les indicateurs étaient au rouge sans pour autant inciter ces parlementaires à assumer leurs responsabilités, à respecter leurs concitoyens, à cesser leurs pratiques corrompues et à se reprendre à temps. Et c’est ce qui a fait réagir le président de la République qui voit les choses autrement : “Les institutions politiques existantes et leur manière de fonctionner représentent un danger persistant pour l’Etat”.
En optant pour cette prolongation, il devient de plus en plus clair que Saïed s’oriente, doucement mais sûrement, vers la mise en action de son propre programme, selon une feuille de route qu’il ne veut pas, pour l’instant, divulguer totalement.
Le président de la République dispose même d’autres raisons pour faire durer cette période de mesures exceptionnelles et les échos qui nous parviennent des frontières tuniso-libyennes sont bien là pour nous rappeler que les menaces terroristes sont encore persistantes et sérieuses avec la présence de milices armées protégées par des pays qui veulent mettre éternellement la main sur la Tunisie, à l’image de la Turquie, et encouragées par des partis politiques extrémistes tunisiens (Ennahdha, Al Karama…) qui tiennent encore à sauver leur peau et à inverser une tendance qui pourrait leur être fatale. Ces milices, selon des rapports sécuritaires tunisiens et algériens, ont tenté de traverser les frontières pour commettre des actes de sabotage, de terreur et de meurtres avec l’intention d’assassiner le président de la République, de semer le chaos et de permettre aux islamistes de tenir de nouveau les rênes du pays.
La purge avant tout
C’est dans ce contexte que Kaïs Saïed a prolongé cette phase d’attente, même si certaines mesures s’imposent pour rassurer et pour semer encore plus d’optimisme. Le président de la République a lui-même promis de nommer un nouveau chef de gouvernement dans les jours qui viennent et une telle initiative aura de quoi accélérer l’instauration d’une nouvelle ère qui mettra définitivement fin à l’amère expérience parlementaire et surtout à l’hégémonie d’un parti islamiste financé et soutenu par des forces étrangères pour soumettre tout un peuple à la volonté de ces mercenaires.
A quoi peut-on s’attendre ces prochains jours ? Selon les sources proches de Saïed, le Président tient, avant tout, à terminer la purge entamée et à se débarrasser des écueils susceptibles de menacer la mise en place de la future stratégie présidentielle.
Ainsi, les opérations anti-corruption vont se poursuivre avec un rythme plus soutenu alors que le Parlement sera pratiquement inexistant en attendant sa dissolution officielle.
De même, on s’attend à voir Saïed proposer l’élaboration d’une nouvelle Constitution qui s’inspirera de celle de 1959 et qui subira les modifications nécessaires pour confirmer l’élan démocratique et les diverses libertés que les citoyens tiennent à conserver, dans le cadre de la légalité. On parle déjà de la formation de commissions chargées de préparer ce projet qui sera par la suite soumis au référendum, comme le stipule la Constitution actuelle.
Oui à la vigilance, non à la peur
C’est dire que le plus dur et le plus important est encore à venir et les Tunisiens sont appelés à faire preuve de solidarité et de patriotisme pour assurer un passage sécurisé à cette nouvelle ère.
Certes, Kaïs Saïed ne doit nullement avoir carte blanche pour tout faire à sa guise ni imposer au peuple des principes et des idées qui ne vont pas de pair avec les convictions d’une société civile qui a promis de le soutenir. La vigilance doit toujours être de mise dans pareils passages d’un système politique à l’autre, mais il ne faut jamais tomber dans une crainte excessive. Il faut toujours se méfier et se montrer éveillé, mais il ne faut jamais céder à une peur qui ne s’impose guère.
La Tunisie et à la croisée des chemins. Son peuple a choisi d’adhérer à l’initiative lancée par Kaïs Saïed et il doit le faire de manière soutenue, efficace et perspicace. L’heure de changement a sonné et il n’y aura plus de marche-arrière. Il faut juste savoir avancer…