Par : Kamel Zaiem

La dernière réunion du conseil de la Choura d’Ennanhdha n’a pas fait bouger les choses comme attendu. Pratiquement, c’est le même discours qui a été entretenu malgré les voix montantes qui appellent à remettre en question la politique actuellement adoptée et ouvrir la voie à d’autres compétences aux visions différentes et plus adéquates avec la nouvelle réalité du pays.

Des erreurs fatales

Il faut dire que le dernier sursaut de Kaïs Saïed a littéralement surpris les islamistes qui s’attendaient à tout sauf à la mise en application de l’article 80 par le président de la République.  De par leur folie de grandeur, ils pensaient avoir tout sous contrôle après avoir « confisqué » Hichem Mechichi, le chef de gouvernement qui vient d’être limogé.

Ennahdha vient de constater les dégâts de cette fuite en avant qui n’a que trop duré. D’ailleurs, le fait de s’accrocher aux mêmes options de gouvernance et d’hégémonie dans tous les rouages de l’Etat, se paie aujourd’hui cash. La première et essentielle erreur des nahdhaouis était de soutenir Hichem Mechichi contre vents et marées quitte à faire des acrobaties ineptes et mystérieuses  dont seul Ennahdha a le secret. On multipliait même les manœuvres dernièrement pour constituer un gouvernement politique autour de lui et ces intentions n’étaient guère secrètes. Pourtant, comme le pensent tous les Tunisiens et comme l’approuvent les hommes forts d’Ennahdha, le rendement gouvernemental a été faible et sujets à de fortes critiques, surtout dans la gestion de la crise sanitaire, mais en même temps ils offraient un soutien inconditionnel au chef du gouvernement. En plus, Ennahdha a couvert et protégé ses alliés Qalb Tounes et Al Karama. Tous trois ont contribué à donner cette piètre image du Parlement, particulièrement au niveau de sa présidence, assurée par Rached Ghannouchi. Les nominations, la gestion des conflits, la réaction aux actes de violence à l’ARP, les demandes de levée de l’immunité, la gestion du bureau de l’ARP, ont été les titres de l’échec de cette institution.

 La seconde erreur concerne la mauvaise évaluation que Rached Ghannouchi a faite du président de la République, Kaïs Saïed. Le chef du parti islamiste a toujours sous-estimé le pensionnaire du palais de Carthage en pensant pouvoir le maitriser rapidement. Et il n’a pas tardé à amorcer une série de dépassements restés impunis, ce qui a fait penser au cheikh que son adversaire n’ose même pas défendre ses propres prérogatives. Ghannouchi a tâté le pouls s’appropriant les prérogatives du président de la République concernant la politique extérieure en recevant des ambassadeurs et surtout en prenant des engagements au nom de l’Etat tunisien. « Rassuré », ghannouchi a continuée sur sa lancée en provoquant la chute du gouvernement de Elyes Fakhfakh, montrant ainsi à Kaïs Saïed qu’il était loin d’être le seul à décider. De même, il s’est arrangé avec Nabil Karoui pour ouvrir les portes au nouveau chef du gouvernement Hichem Mechichi et le soustraire à l’autorité présidentielle pour s’accaparer, à travers lui, encore plus de pouvoir. Face à la passivité de Saïed, le clan des islamistes et de leurs alliés a vite crié à la victoire alors qu’il avait à se méfier d’une piste très glissante.

Les dés sont jetés

Ce sont, là, les erreurs majeures d’un parti islamiste qui a pensé à tout sauf à servir les intérêts du pays. Du coup, dès que les premières étincelles du sursaut populaire ont éclaté le 25 juillet 2021, c’est tout le pays qui s’est soulevé pour chasser, de manière définitive, ces nahdhaouis qui étaient au pouvoir depuis une décennie et qui sont derrière la décadence de l’Etat et la descente du pays aux enfers.

Aujourd’hui, que les dés semblent jetés pour le cheikh Ghannouchi et son parti qui ont vainement cherché un appui international, c’est tout l’avenir des islamistes en Tunisie qui est en jeu. Les plus compétents des observateurs pensent que les jours de ce parti sont comptés, mais ce n’est pas l’avis d’autres, plus prudents, qui conseillent de déraciner Ennahdha de manière chirurgicale sans céder aux excès ni aux règlements de comptes. C’est qu’il suffit de recourir à l’article 163 de la Constitution pour émietter un parti déjà en difficulté. Le fait d’appliquer les lois en vigueur vis-à-vis des rapports de la Cour des comptes et d’autres institutions constitutionnelles conduirait automatiquement à la dissolution du parti islamiste qui sera privé de son droit de prendre part aux élections législatives de 2024 et à une nouvelle répartition au sein du Parlement où Ennahdha risque de se trouver parmi les minorités.

Nous n’en sommes pas encore là, mais le fait de voir le paysage politique en Tunisie se composer sans la présence d’Ennahdha est très probable. A moins d’un retournement spectaculaire et inattendu de situation.

K.Z.