Par : Kamel Zaiem
Plus d’une semaine après la décision de Kaïs Saïed de tout prendre en main pour mettre à l’écart ceux qui ont gouverné pendant dix ans pour enfoncer le pays dans le chaos, le pays est encore en phase d’attente.
Certes, le président de la République a fixé une durée de trente jours pour remettre de l’ordre et mettre en place les mécanismes nécessaires pour faire décoller le pays, mais cette attente risque de générer une certaine lassitude de la part d’un peuple qui ne veut plus vivre de nouvelles désillusions.
Saïed est appelé, en premier lieu, à nommer un chef de gouvernement avant de nous révéler la composition de l’équipe gouvernementale qui aura à gérer cette étape à la fois délicate et prometteuse.
Une obligation d’agir
Or, il n’y a pas que ce suspense autour du futur gouvernement et de son chef qui préoccupent l’opinion publique. La Tunisie a vécu une décennie harassante, pour ne pas dire noire, avec des islamistes qui ont largement profité de leur règne pour piller les caisses et les richesses du pays. Ils tiennent encore à survivre pour semer plus de discorde et pour profiter, comme toujours, de la confusion pour demeurer aux centres du pouvoir et dans les rouages essentiels de l’Etat.
Saïed va-t-il leur permettre de demeurer dans le paysage politique du pays et de se mêler, encore une fois, de l’avenir de ce pays, à tous les niveaux ?
C’est surtout la réponse à ces interrogations qui risque de définir la future trajectoire du pays et ses futures orientations.
Pour le moment, le président de la République donne l’impression de tourner le dos aux « commerçants » de l’islam politique et à leur parti, Ennahdha, ainsi qu’à leur chef spirituel Rached Ghannouchi qui vient de lancer son dernier « tube » à travers les menaces d’invasion jihadiste des pays du nord de la Méditerranée en cas de mise à l’écart des islamistes. Il estime même que cinq cent mille, pour la plupart des terroristes, vont mettre le cap, à travers l’immigration illégale, sur l’Italie particulièrement qui va devoir agir pour laisser au pouvoir les nahdhaouis et imposer, ainsi, le statu quo. C’est ce qu’on appelle l’art de vendre son pays et de se racheter une nouvelle virginité pour un parti qui a usé toutes ses cartouches et qui se retrouve, désormais, dans une position très délicate.
Non aux justifications tremblantes
Et c’est à ce niveau que Kaïs Saïed doit savoir jongler. Il s’agit, évidemment, de menaces et d’appel, on ne peut plus net, à l’intervention de forces étrangères dans les affaires internes du pays. Du coup, le président de la République doit se montrer très ferme sur ce point car c’est la souveraineté du pays qui en dépend et qui est gravement menacée. En première réaction, il n’a pas manqué de se montrer catégorique et opiniâtre à ce propos, mais il a également laissé entrevoir une certaine hésitation qui n’a pas manqué de susciter des inquiétudes.
Celui qui a été plébiscité par son peuple à l’élection présidentielle, n’a pas à se justifier ou à prouver ses bonnes intentions à chaque pas accompli. Son dernier entretien avec l’équipe de journalistes américains du New York Times a un peu viré à l’exhibition et à un récital en matière de législation et de démocratie. Pourtant, il n’était pas obligé de le faire pour montrer ses bonnes intentions et pour de défaire d’une étiquette de dictateur que certains, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, aiment lui coller. Une de ces journalistes, malheureusement empêchée de faire son travail par des policiers plus que zélés dans la région d’Ettadhamen où elle était partie faire un reportage, l’a elle-même avoué : elle était venue transmettre à son journal un événement majeur : la chute de la démocratie en Tunisie ! Eh oui, c’est ce qu’elle a dit et ça se voit que les derniers événements, qui ne semblent pas plaire au pouvoir américain, suscitent déjà des remous. Je vous laisse admirer la « neutralité » et les « bonnes intentions » du journal.
Le vrai soutien essentiel est déjà garanti
Saïed ne doit nullement se justifier auprès du monde entier d’avoir pris une telle initiative. Il doit le faire uniquement à son peuple, la véritable victime du printemps arabe vite transformé en enfer.
Le président de la République doit sûrement nous donner des assurances pour préserver les acquis en matière de démocratie, mais il doit le faire uniquement pour les Tunisiens et non pas pour atténuer l’ire des Américains ou des Européens qui nous ont déjà « brûlés » en 2011.
Et puis, Saïed peut être très content d’avoir le soutien de ses plus proches pays frères, notamment l’Algérie, l’Egypte, la Libye et le Maroc. C’est ce qui compte le plus pour un peuple qui veut se débarrasser de l’horrible hégémonie des grandes puissances qui ne se préoccupent que de leurs propres intérêts.
Saïed a eu le feu vert de la part de son peuple pour lancer son opération sauvetage et il n’aura des comptes à rendre qu’à ses concitoyens.