Par : Kamel Zaiem
Après avoir pris les choses en main, Kaïs Saïed est déjà entré dans le vif du sujet pour concrétiser le changement souhaité par les Tunisiens, exaspérés et frustrés depuis une décennie qui a vu le pays connaître ses crises les plus graves et vivre une véritable descente aux enfers.
Dimanche 25 juillet 2021, le président de la République est finalement passé à l’action lors d’une réunion d’urgence avec des dirigeants sécuritaires et militaires. Il a longtemps opté pour le jeu de menaces, mais, cette fois-ci, il est passé aux actes, et de quelle façon !
Le moment de vérité
A présent, alors que les activités du Parlement sont gelées pour au moins trente jours et que le chef du gouvernement est tout simplement limogé, Saïed va être le seul maître à jouer et le seul pilote dans l’avion. Un gigantesque chantier est ouvert du moment que Saïed a également décidé de présider le ministère public afin de poursuivre en justice les députés ayant des affaires en cours puisqu’ils ne bénéficient plus, désormais, de l’immunité parlementaire, et de prendre en main le pourvoir exécutif, aidé par un gouvernement dirigé par un chef de gouvernement qu’il désignera lui-même.
C’est dire que pour le président de la République, le moment de vérité a débuté ce dimanche et s’étalera sur un mois. Au cours de ces trente jours, il va devoir mettre en place toutes les pièces du puzzle et dévoiler ses réelles intentions pour diriger le pays, élaborer une feuille de route qui répond aux aspirations des citoyens et des grands acteurs économiques, tout en assurant une meilleure gestion de la pandémie qui continue à faire des malheurs dans le pays avec des chiffres et des courbes qui ont mis à nu une totale absence de stratégie sanitaire de la part du gouvernement de Mechichi.
Un soutien et des assurances
Et comme prévu, Noureddine Taboubi, le patron de l’UGTT a été la première personnalité à s’entretenir avec le « nouveau » Kaïs Saïed. C’est que le soutien de la Centrale syndicale compte énormément pour le président de la République qui a toujours fait de sorte à avoir de bonnes relations avec la plus grande et la plus influente composante de la société civile. Pour le moment, l’UGTT adhère implicitement aux choix de Saïed et estime que les dernières décisions présidentielles sont constitutionnelles, mais elle appelle à accompagner ces mesures par des actions rassurantes qui garantissent la poursuite du processus démocratique.
Continuant sur la même lancée, le président de la République a reçu les présidents des autres grandes organisations nationales (UTICA, UTAP…) et a surtout discuté avec les représentants des autres composantes de la société civile, notamment la LTDH, le SNJT, la FTEDS et surtout le Conseil supérieur de la magistrature auquel Saïed a réaffirmé sa détermination à respecter la Constitution et ses dispositions et à appliquer la loi à tous, tout en garantissant l’indépendance de la justice en cette période critique.
Vers une forte purge
Comme constaté, un véritable marathon présidentiel vient d’être lancé pour pouvoir réaliser l’essentiel pendant les trente prochains jours. D’ailleurs, de nouvelles décisions ont été annoncées pour entamer une réelle purge au sein de l’administration publique et mettre hors d’état de nuire certains hauts dirigeants (gouverneurs, délégués, présidents de communes…) nommés sur des bases partisanes et susceptibles de bloquer le processus entamé par le président de la République.
Il faut s’attendre, lors des prochains jours, à de larges opérations de ratissage pour dégager la route et éviter les blocages.
En parallèle, Saïed aura à rassurer les partis politiques qui hésitent encore à soutenir son initiative, tels le Courant démocratique, les partis de gauche et même le PDL de Abir Moussi qui estime que « ce qui s’est passé est un bon début, mais qui doit être suivi d’une feuille de route claire et précise des étapes à venir». Une réaction un peu froide puisque Saïed semble arracher à Moussi la pole-position qu’elle détenait depuis de longs mois comme étant la principale adversaire des islamistes, ce qui l’a amenée en tête des sondages d’opinions opérés ces derniers temps.
Quant au parti islamiste Ennahdha, la principale victime de l’offensive lancée par Saïed, il semble nettement accuser le coup malgré de vives réactions de ses hauts dirigeants qui savent qu’ils ne disposent plus, dorénavant, du même soutien intérieur et extérieur qu’avant.
Sur le plan international, Saïed vient de rassurer les Américains et les Français en renouvelant son souci de poursuivre le processus démocratique et de tout faire pour un imminent retour à la normale des institutions constitutionnelles. Cela semble suffisant pour bénéficier d’un appui initial en attendant ce qui va être fait pendant les prochains trente jours.