Par Soufiane Ben Farhat
Malgré l’été particulièrement caniculaire, de gros nuages sombres pèsent sur le ciel tunisien, politiquement s’entend. En effet, chaque jour on s’enlise d’un cran dans la tragédie sanitaire, politique, économique et sociale. L’échec est partout. Et il est patent.
En cause, le laxisme et le cafouillage gouvernementaux. Qu’il s’agisse des deux têtes de l’exécutif (présidences de la République et du gouvernement) ou de l’enceinte parlementaire, c’est la même rengaine, le lourd bilan amer. La pandémie du Covid 19 s’étale en exponentiel. En fait, tous les gouvernorats sont touchés, certains on ne peut plus gravement.
Lourd bilan des victimes
Désormais, le gouvernement se contente de comptabiliser les victimes. Avec une moyenne quotidienne de milliers de personnes contaminées et entre quatre-vingts et cent morts. Jusqu’ici nous avons quatre cent mille personnes atteintes et un peu moins de quinze mille morts comptabilisés officiellement.
La variante indienne du coronavirus, décelée tout récemment sous nos cieux, en rajoute à l’inquiétude. Ses taux de contagion et de létalité sont particulièrement effrayants. Elle n’épargne guère les jeunes générations et même les personnes déjà vaccinées. Témoin, l’atteinte du chef du gouvernement M. Hichem Mechichi qui avait déjà été atteint du virus et qui avait reçu ses deux doses de vaccin il y a plusieurs semaines.
En fait de vaccinés, notre taux en la matière est toujours en deçà de 5 % de la population globale concernée théoriquement. Sous certains angles, il avoisine les 3 %.
Les incuries sont légion
Le gouvernement Mechichi mérite la palme d’or de l’opprobre en matière de manquements aux impératifs de base dans la lutte anti coronavirus. En effet, ses incuries sont légion. Cela va du manque flagrant de vaccins à la non-observation systématique des règles de distanciation sociale et du traitement des clusters. Ce qui s’est passé depuis quelques semaines à Kairouan, Béja, le Grand-Tunis ou Zaghouan constitue un véritable manuel de ce qu’il ne faut pas faire.
Les populations inquiètes et effarées sont livrées à elles-mêmes. Les personnes atteintes meurent sur des attelages de fortune tirés par des mulets. Même les morgues sont encombrées et remplacées, comme à la Rabta à Tunis, par des camions frigorifiques. Les règles édictées périodiquement de confinement tantôt total tantôt partiel demeurent lettre morte. Les spots de sensibilisation font cruellement défaut. En bref, c’est l’abandon total.
Perspectives dangereuses dans les prochaines semaines
La conférence de presse sur les mesures anti-Covid tenue ce vendredi 25 juin fait craindre le pire. Au summum de la crise sanitaire, les propos et les mesures demeurent vagues. Élémentaire mon cher Watson. Quand on n’a rien à dire, on batifouille. Autrement dit, on s’embrouille, on s’emmêle les pinceaux et on dit des bêtises.
Mais si ça ne tenait qu’à ça, passe encore. En fait, les derniers pics de la dernière vague proviennent des mesures et contremesures absurdes du gouvernement lors du mois de ramadan et pendant les fêtes de l’aid. Pourtant, il semble n’en avoir guère tiré les leçons. En effet, dans trois semaines auront lieu les fêtes de l’aid-el-kebir, la fête du sacrifice. Si des mesures draconiennes, hermétiques et scrupuleusement observées ne sont pas prises entretemps, l’hécatombe généralisée est certaine.
Le gouvernement avait été prévenu bien avant ramadan. Pourtant, il avait fait la sourde oreille. Bien pis, il s’était empressé de fléchir les bribes de mesures décidées alors sous la pression. Aujourd’hui, rebelote. On adopte le même modus operandi. Évidemment, là aussi le coronavirus sèmera la mort et la désolation à tout vent.
Un comité scientifique fantasque
Aux dernières nouvelles, les membres du Comité scientifique de la lutte antivirus s’aviseraient de démissionner en bloc. Visiblement, ils en ont marre de camper les comparses et les hommes de paille. En fait, le gouvernement les consulte pour décider le contraire de ce qu’ils préconisent. Mais ils se prêtent au jeu en quelque sorte. Suffit-il qu’ils publient les procès-verbaux de leurs conciliabules et sentences, ils prendraient l’opinion à témoin. Qui gémit en silence ne saurait susciter les sympathies escomptées. En effet, aux yeux du commun des Tunisiens, ledit Comité scientifique est lui aussi complaisant, docile et coupable.
Seule échappatoire, le Conseil national de sécurité
En fait, le dernier recours demeure la tenue d’un Conseil de sécurité nationale dédié à la lutte contre la pandémie. Un Conseil institutionnel, impersonnel, général, non-partisan et efficient. C’est là les ingrédients de la panacée. L’urgence commande de le tenir dans les plus brefs délais et de faire en sorte que ses délibérations soient publiques. Et cela présuppose que les hauts responsables se départent de leurs attitudes isolationnistes et conflictuelles à la tête des hautes institutions et instances de l’Etat. En vérité, jusqu’ici, ils ont croisé les fers pour se ravaler mutuellement et tous tant qu’ils sont. Ils logent à la même enseigne de l’ignominie aux yeux du citoyen lambda.
Autrement, tout est éternelle répétition des actes macabres d’une même tragédie mortelle.
S.B.F