Par : Kamel Zaiem

Va-t-on assister à une flambée sans précédent des prix des matières de base de consommation et surtout d’alimentation durant les prochaines semaines ? A écouter les hauts dirigeants du pays, le coup d’envoi d’un tel festival d’augmentations vient d’être donné et on l’annonce, dans les milieux officiels comme on annonce une augmentation banale du prix des bananes…

Le ministère du Commerce vient de réussir son premier show en évoquant des raisons de santé pour justifier une hausse aussi brutale du prix du sucre. C’est tout simplement saugrenu et déplacé.

C’est que ce gouvernement présidé par Hichem Mechichi, un ignorant en matière d’économie et de gestion, vient de mettre le pays et la paix sociale dans la gueule du loup et, désormais, avec cette offensive conduite par le gouvernement et les bailleurs de fonds internationaux, les rues ne vont pad tarder à accueillir des millions de manifestants avec tout ce qui s’en suivit dans de pareilles situations et c’est toute la stabilité du pays, à tous les niveaux, qui sera mise à rude épreuve.

Du déjà vu

Il est vrai que les dépenses de compensation des prix des produits énergétiques et des produits alimentaires ont atteint dès 2013, 5514 millions de dinars (7 % du PIB contre 1.500 MD et 2 % du PIB en 2010) soit près de quatre fois le montant des subventions allouées en 2010 dépassant largement le budget d’investissement qui se retrouve à un niveau insoutenable. Or, c’est au gouvernement et à ses structures de trouver les solutions adéquates, en consultation avec les forces vives de la société civile et non uniquement en s’inclinant devant les ordres reçus de la Banque Mondiale ou le FMI.

Comme on le constate, les bonnes références en matière de gestion économique nous renvoient à l’année 2010 pour nous rappeler une évidence de plus en plus ressentie par la population. Depuis l’avènement de ce maudit « printemps arabe », tous les équilibres sociaux et économiques ont sauté pour laisser la place à une politique d’opportunisme et de profit qui a conduit le pays à l’actuelle situation de faillite.

Entre 2004 et 2010, la Tunisie a connu un problème similaire d’élévation du coût de la compensation. En ce temps là, le gouvernement a opté pour une politique de hausses limitées mais régulières avec des différenciations sociales nettes : des augmentations légères (bouteille de gaz, pétrole lampant, tranches inférieures de consommation d’électricité et gaz…), et d’autres plus fortes pour les autres produits et tranches, accompagnée d’une politique volontariste de maîtrise de la consommation. Cette solution a été appliquée entre 2004 et 2010 et a permis d’atteindre l’objectif recherché, à savoir contenir les dépenses de compensation en deçà de 2 % du PIB et grâce à 17 augmentations limitées des prix des produits pétroliers sur la période et 8 augmentations limitées des prix de l’électricité et du gaz.

Dans la gueule du loup

Or, aujourd’hui, avec un gouvernement qui se montre incapable d’imposer aux riches de concéder une partie de leurs revenus pour payer, au moins, leurs impôts, on se lance dans l’application, à la lettre, des recommandations, pour ne pas dire des ordres des instances financières internationales au risque de voir le pays sombrer dans l’inconnu et perdre ses derniers piliers de stabilité.

Mechichi et ses lieutenants doivent penser, avant tout, à cette stabilité sociale, l’unique et principale arme pour éviter le chaos et pour pouvoir se redresser. L’option préconisée par la Banque Mondiale avec le «ciblage» des subventions vers les couches sociales les plus pauvres, évidemment avec une hausse brutale des prix de ces produits s’annonce fatale pour un pays déjà fragilisé. De telles solutions préconisées, depuis 2013, malgré les conséquences sociales meurtrières qu’elle a entrainées dans les rares pays où elles ont été appliquées, risquent de plonger le pays dans l’enfer. La Tunisie a connu des émeutes sanglantes du pain en 1984. Alors de grâce, éloignons nous de ce scénario cauchemardesque et faisons attention aux solutions proposées par des apprentis sorciers et des conseilleurs opportunistes prêts à brûler le pays pour assurer leurs propres intérêts.

Hichem Mechichi risque de devenir l’homme par qui le danger arrive et il aura intérêt à se reprendre avant qu’il ne soit trop tard. Il suffit de réunir les hautes compétences du pays en matière de finances et d’économie pour trouver les solutions urgentes qui s’imposent et qui évitent de voir notre pays renouer avec le chaos.

A bon entendeur…

K.Z.