Par Soufiane Ben Farhat
Le ministre de la Santé et les divers responsables devraient changer leur copie. En fait, depuis le 13 mars dernier, les vaccinations anti-Covid avancent très lentement. Cinquante-cinq mille vaccinations à peine en dix-sept jours. Soit une moyenne d’un peu plus de trois mille vaccinations par jour. Admettons qu’on en fasse cinq-mille par jour. Cela donnerait cent-cinquante mille vaccinations par mois et un million huit-cent mille vaccinations en une année. Reconnaissons qu’on n’ose frôler pour le moins le décompte officiel escompté. Le ministre de la Santé le rappelle à tout vent. Il a bien parlé de trois millions de Tunisiens vaccinés avant le 30 juin et cinq millions avant la fin décembre 2021.
Trois ans pour vacciner six millions de Tunisiens
A ce rythme de tortue, il faudra bien trois ans pour faire vacciner six millions de Tunisiens. Évidemment, cela relève de la pure fantaisie. Paradoxalement, les responsables scientifiques s’emmêlent les pinceaux. Souvenons-nous, on avait bien dit que notre pays dispose de trois centres de vaccination permanents par gouvernorat, soit soixante-douze centres au total. Pour arriver à trois millions de vaccinés en trois mois, il faudrait qu’ils s’acquittent de trente-trois mille vaccinations par jour, à raison de 463 vaccinations quotidiennes par centre. Mais on est bien loin du compte. En effet, des problèmes de logistique président à cet échec cuisant. D’ailleurs, le Docteur Jalila Ben Khelil, porte-parole du Comité scientifique de lutte anti-Covid l’a expressément consenti hier dans une déclaration aux médias.
Le spectre de la troisième vague se profile
De son côté, le Directeur général de la Santé de base, M. Faisal Ben Salah, a parlé hier de sérieuses craintes d’une imminente troisième vague du coronavirus. D’ailleurs, après une relative et brève accalmie, certains centres d’oxygène et de réanimation sont déjà saturés. Tel est le cas dans le gouvernorat de l’Ariana et dans le Grand-Tunis en général.
Sur un autre plan, la variante britannique du Covid-19 a commencé à faire des ravages dans certaines régions et villes tunisiennes. On en parle peu mais ce n’en est pas moins sérieux et grave. D’ailleurs, certaines régions ont été littéralement mises en quarantaine en bloc.
Pas de label Covid Safe
Bref, on tâtonne et on fait motus et bouche cousue. Pourtant, on aurait bien voulu voir une sérieuse mise en branle du label Covid Safe via la vaccination du plus grand nombre de Tunisiens. Ce qui pourrait être d’un grand appoint pour la relance de la saison touristique. Mais, étrangement, cela ne semble guère être le souci du ministre du Tourisme. Il a annoncé hier la réouverture des frontières à l’endroit des touristes, moyennant tests PCR, prévue pour le 19 avril. Et rien de plus.
En somme, notre gouvernement s’y prend à la bonne franquette. Doucement le matin, pas trop vite le soir. Toujours cahin-caha de surcroît.
Ce qui importe à ses yeux, c’est la logomachie des discours bien saupoudrés en guise de cache-misère des dossiers mal ficelés.
Guerres des coulisses
Pourtant, le ministère de la Santé n’a guère su taire ses dissensions internes. De récents changements brusques intervenus au niveau de la composition du Comité national de lutte anti-Covid en témoignent. En fait, on semble avoir emberlificoté les choses sans en assumer les vraies raisons. Les voix pertinentes et libres, telle celle de Mme Nissaf Ben Alayya, semblent avoir été sacrifiées sur l’autel de la déraison d’Etat. Le ministère de la Santé a publié un communiqué vide de sens pour légitimer ces changements. Pourtant, personne n’y croit.
En somme, les vaccinations mettent à nu les incuries latentes du système sanitaire. Retards, base de données erronée, mauvais timing, mélange des cibles, opacités douteuses, déni des responsabilités, autant de brèches lourdes de conséquences. Pourtant, on s’en moque officiellement comme d’une guigne.
Par ailleurs, l’irruption du mois de ramadan dans une dizaine de jours n’est guère pour rassurer à ce propos. En effet, les Tunisiens vivent le mois sacré d’une manière on ne peut plus frénétique. Le mois supposé de l’abstinence et la dévotion est appréhendé dans les excès en tout genre. Et il n’est pas dit qu’on continuera à y observer la distanciation sociale et les gestes barrière, qui ne sont guère bien suivis ces dernières semaines particulièrement. Paradoxalement, dès le début des vaccinations, les gens se sont davantage relâchés. Quant aux autorités, elles n’y ont guère paré. La sensibilisation est au point mort. Avant que les feuilletons ramadanesques dont les Tunisiens sont si friands n’achèvent de chloroformer leur conscience déjà émoussée.
S.B.F