Des enseignants du primaire portant la tenue des moudjahidines des années 90 en Afghanistan, ça existe dans les écoles primaires de la république tunisienne en 2021, selon le reportage de la journaliste Nadra Ismail à Radio Monastir.
Notre confrère s’est rendu dans deux écoles primaires de la région rurale de Chorbane dans le gouvernorat de Mahdia pour constater les faits alors que la question avait déjà été soulevée au Parlement lors de l’audition du ministre de l’Education.
Des enseignants barbus et en tenue afghane
La visite a commencé dans l’école primaire de Mzehda. On y voit un enseignant du Français avec une longue barbe et portant la tenue afghane. Interrogé par la journaliste, il affirme qu’il applique le programme officiel et qu’il est en poste depuis 28 ans.
Le directeur de l’école a fait savoir que le choix de la tenue vestimentaire relève des libertés individuelles et qu’il n’y a aucun texte règlementaire qui régit cette question : « Notre collègue porte cette même tenue lors des réunions et des inspections. Il ne faut pas les juger sur le tenue mais surtout sur le rendement », a-t-il déclaré.
Le même constat est fait par la journaliste dans l’école primaire Chaouachine. Un autre enseignant, qui est aussi directeur par intérim de l’établissement éducatif, porte la tenue afghane. Cet enseignant était chaussé de savates.
Séparation des deux sexes et photos bannies des salles de classes !
Devant les salles de classe, les élèves se sont mis dans deux rangées séparées. Une rangée pour les filles et la seconde pour les garçons.
Les salles de classe des deux écoles avaient un point commun, l’absence d’images. Dans la première école le directeur a justifié l’absence des photos par le double usage des salles. Il a affirmé que les images sont collées sur les murs des salles des classes préparatoires.
Dans la deuxième école, aucune photo n’était collée sur les murs des salles de classes y compris la salle réservée à la classe préparatoire.
Interrogé à ce propos, un élève inscrit à l’école a hésité face à la question de la journaliste avant d’affirmer que certains enseignants interdisent l’usage des photos prétextant que c’est contraire à la loi islamique. Le même élève a fait savoir que certains enseignants interrompent les cours pour aller faire la prière dans la salle à côté.
Dans le même contexte, nous avons appris que les enseignants portant la tenue afghane incitent les élèves à ne pas regarder la télévision et les feuilletons à la maison, pratiques qu’ils estiment contraires à la « loi islamique ».
Un syndicat impuissant
Le secrétaire général adjoint du syndicat de l’enseignement de base à Chorbane, Hassan Souayah, a affirmé que plusieurs plaintes des élèves et de leurs parents avaient été déposées. Ces plaintes concernent la tenue afghane portée par les enseignants mais aussi les consignes données par ces mêmes enseignants interdisant la télévision et la musique sous prétexte que c’est « haram ».
« Il y a un laisse-aller de la part de la délégation régionale de l’enseignement primaire à Mahdia. L’administration ferme les yeux sur ces pratiques », a fait savoir le syndicaliste.
Que fait le ministère de l’Education ?
Le délégué régional de l’Education à Mahdia, Mongi Moncer, a confirmé les faits en précisant que cela avait été mentionné dans les rapports des inspecteurs de l’enseignement primaire. « Nous avons vérifié cette situation à notre tour et nous avons réclamé des rapports de la part des directeurs des écoles primaires. Nous avons aussi alerté les autorités concernées régionale et nationale », a déclaré Mongi Moncer.
Ce dernier a ajouté qu’une enquête est en cours.