olfa hamdi
Hamdi avec le ministre et les ambassadeurs turc et américain

Alors que les journalistes étaient devant le portail du siège de la compagnie aérienne TUNISAIR dans l’attente d’une conférence de presse annoncée par la PDG, le ministère du Transport et de la Logistique a publié dans la matinée du lundi 22 février 2021 un communiqué annonçant le limogeage d’Olfa Hamdi.

Cette décision est l’épilogue attendu d’une polémique et d’une bataille à coups de déclarations médiatiques et de publications sur les réseaux sociaux entre les responsables de la centrale syndicale UGTT et la jeune PDG de TUNISAIR, Olfa Hamdi.

Tout avait bien commencé…

Le 4 janvier 2021, le jeune ministre du Transport et de la Logistique, Moez Chakchouk, décide de nommer une jeune tunisienne de 32 ans diplômée d’une université américaine à la tête de la compagnie aérienne nationale, TUNISAIR.

Malgré la réticence de certains, cette décision a fait l’unanimité dans l’opinion publique. Enfin on allait voir de quoi était capable la jeunesse tunisienne. Une jeunesse bien éduquée poussée à l’exode et souvent écartée de la prise de décision.

Âgée seulement de 32 ans, Olfa Hamdi dégageait l’image d’une femme tunisienne entreprenante issue d’une famille moyenne d’une région défavorisée qui, grâce à ses bons résultats scolaires, a pu décrocher plusieurs bourses en France et aux Etats-Unis. Un pur produit de la république et de l’ascenseur social, la voilà qui retourne au chevet d’une Tunisie à bout de souffle et tourmentée par différentes crises.

Cérémonie à l’occasion de la nomination de Olfa Hamdi au poste de PDG de Tunisair (source Facebook : le ministère du Transport et de la Logistique)

Dans l’œil du cyclone

Moins d’un mois après sa nomination, le 21 janvier 2021, la jeune PDG fait parler d’elle sur les réseaux sociaux à travers une vidéo virale. On y voit une jeune femme pieds nus qui prend la parole devant les employées de la compagnie pour dénoncer le sit-on de quelques employés dont les contrats avaient été suspendus. La bande son de la vidéo est chargée d’émotions entre les pleurs d’une employée et l’altercation avec un membre du syndicat.

La PDG, diplômée de l’université de Texas, semble avoir pris le chemin de l’affrontement avec les partenaires sociaux dans une compagnie aérienne affaiblie par la crise du Covid-19 et qui connait depuis des années une sur-employabilité et une détérioration de la qualité de ses services. Sans avoir annoncé un programme clair, hormis la formation d’un conseil consultatif, la stratégie de la nouvelle PDG semblait être essentiellement basée sur la communication et particulièrement la communication digitale sur les réseaux sociaux.

Vidéo amateur de la PDG de Tunisair dénonçant les agissements des syndicats

Olfa Hamdi est TUNISAIR et TUNISAIR c’est Olfa Hamdi…

Depuis sa prise de fonction en tant que PDG de TUNISAIR, la majorité des publications de la compagnie sur Facebook relatent les faits et gestes d’Olfa Hamdi. Certains sont allés jusqu’à dire que la page Facebook de la compagnie est devenue son compte Instagram.

Olfa Hamdi reçoit l’ambassadeur turc à Tunis (source : Facebook Tunisair)

Pis encore, la nouvelle PDG s’est mise à recevoir et à s’entretenir avec les ambassadeurs des pays étrangers. A savoir l’ambassadeur turc, l’ambassadeur français et l’ambassadeur des États-Unis, qu’elle est allée voir chez lui, ce qui est ravivé chez les syndicats de la compagnie nationale la crainte d’un privatisation à venir et non avouée de Tunisair.

Tunisair et sa dette colossale

Les agissements de la nouvelle PDG de Tunisair ont aussi ravivé les craintes des créanciers de la société. La société TAV Tunisie qui exploite les aéroports Enfidha-Hammamet et l’aéroport Habib Bourguiba à Monastir a procédé à une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de la compagnie aérienne visant le recouvrement d’une dette de 28 millions de dinars.

La directrice générale de la TAV Tunisie s’est exprimée auprès des différents médias affirmant que cette démarche a été décidée suite au refus de la PDG de Tunisair d’entamer les discussions pour un probable rééchelonnement de la dette de la compagnie.

Cette nouvelle a suscité une levée de boucliers chez les différents syndicats de Tunisair et des autres entreprises affiliées au groupe. Un grand rassemblement syndical a eu lieu le 19 février 2021 devant le siège de la compagnie où les responsables de la centrale syndicale ont fustigé le rendement de la nouvelle PDG l’accusant d’aggraver la situation socio-économique.

Rassemblement syndical devant Tunsair le 19 février 2021 (source : Facebook UGTT)

Olfa Hamdi brille par son absence

Suite à la mobilisation des syndicats et aux menaces de grèves pouvant geler le transport aérien, le ministère du Transport et de la Logistique a organisé une réunion avec les différents intervenants dans le dossier. Une autre réunion s’est déroulée le même jour à la présidence du gouvernement avec les partenaires sociaux et des représentants de la compagnie.

Olfa Hamdi, PDG de Tunisair, n’était pas présente à ces deux réunions selon les communiqués de presse publiés respectivement sur la page du ministère du Transport et de la Logistique et la page de la présidence du gouvernement.

Interviewé à sa sortie de la réunion à la présidence du gouvernement par la télévision Al Hiwar Ettounsi, le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Tabboubi a déclaré concernant l’absence de Hamdi « elle a d’autres champs d’activité avec les ambassadeurs ».

Olfa Hamdi choisit l’affrontement avec l’UGTT

Vraisemblablement lâchée par sa hiérarchie, la PDG de Tunisair a publié sur sa page Facebook une première correspondance datée du 19 février 2021 et adressée à la centrale syndicale pour demander l’annulation de la grève et une intervention en faveur de la levée de la saisie sur les comptes bancaires de la compagnie.

Deux jours après, Olfa Hamdi publie une correspondance qui lui a été adressée par l’UGTT, pour dénoncer la demande d’une avance sur les cotisations des salariés affiliés à la centrale syndicale. Elle titre sa publication en accusant le secrétaire général du syndicat de ne pas être l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.

Face à cette escalade, le limogeage de Olfa Hamdi du poste de PDG de Tunisair semblait être une évidence. Après l’annulation de la conférence de presse, le ministre du Transport et de la Logistique intervient à la radio Shems FM « Nous avons pris cette décision suite aux multiples fautes commises et la publication de documents confidentiels sur les réseaux sociaux… Malheureusement nous avons voulu donner une chance à la femme et à la jeunesse » a-t-il dit.

Interview du ministre du Transport et de la Logistique Moez Chakchouk à la Matinale Shems FM